J'ai appelé mon ombre et je lui ai demandé de me suivre pas à pas, de me précéder parfois quand j'avance dans le noir, de me faire la grâce de son amitié. Elle était inquiète encore, rétive et toute sauvage, me laissant humer son parfum de forêt, son haleine de fauve, mais fuyant à mon approche. Elle craignait que je la domestique, que je l'envoie se laver pour la civiliser. Cela m'a pris longtemps pour la rassurer, la convaincre que je n'avais pas d'autre projet que de l'aimer. Il a fallu que je lui parle doucement comme à une jeune fille effarouchée, que j'accepte ses caprices et que je souris à ses colères démesurées.
Il m'est arrivé de pleurer sans rien dire dans la nuit parce que je croyais qu'elle m'avait quitté; pauvre fou que j'étais, elle se tenait dans l'obscurité qui m'enveloppait et souriait à son tour. C'est alors seulement qu'elle s'est rapprochée et qu'elle est venue, au petit matin, m'embrasser dans le cou. Depuis, nous sommes inséparables. Bien souvent, les gens nous confondent; ils me prennent pour l'ombre parce que je me retire dans le silence, tandis qu'elle s'en donne à cœur joie de jouer à vivre.
« L'ombre a tant été aimée qu'elle est devenue clarté. »
Aucun commentaire:
Publier un commentaire