vendredi 19 novembre 2021

Hommage à Michel Garneau


C’est à Montréal sous la pluie
trente deux ans plus tard
rue Mt Royal et St Denis
la lumière est rouge les arbres orangés
je croise son large sourire
il se retourne je tressaille
est-ce lui
le jeune homme de San Francisco
il me dit je suis taureau c’est pour ça
je ris de sa fraicheur
il ajoute j’ai tout abandonné
je suis libre comme l’air

Autour de nous les badauds
de ce dimanche douze septembre
la pluie ruisselle sur ses cheveux
sur son visage sur sa veste délavée

Il pleure il sourit
une seconde nos yeux se racontent
leur histoire d’amour
comme « Une pelletée de nuages »
« L’épreuve du Merveilleux »
pour « Les petits Chevals amoureux »

Les feux passent au vert
à l’orange reviennent au rouge
toujours ce feu rouge
le monde circule
nous restons là
combien de temps
je ne sais plus

On dit qu’après la pluie
ils se sont consumés
dans l’illumination de cette rencontre
de ce rendez-vous

Depuis sur la chaussée une Étoile
on peut y lire
San Franscisco 1969
Montréal 2021
Je vous invite à retrouver cette Étoile…

Cygne blanc

dimanche 24 octobre 2021

Comme une lumière


« C’était à San Francisco en un autre siècle
Il faisait très beau
J’étais en train d’avoir trente ans
Au coin d’une rue en attendant 
que la lumière soit verte
je vois de l’autre côté
en robe orange une femme
qui m’entre dans le plexus
comme une lumière
Et nous nous rencontrons
au milieu de la rue une seconde
On s’arrête dans le milieu 
de la vie une seconde
Elle me dit  my you’re beautiful
et je ris et ce rire ruisselle en dedans
une seconde dans le soleil
Nos regards se touchent
Une seconde et c’est l’amour
Et c’est le plaisir et le bonheur
Une seconde comme une lumière
Entrant dans le plexus
plus solaire
que d’habitude » 

Michel Garneau


lundi 9 août 2021

Le coeur riant


Ta vie est ta vie

Ne te laisse pas abattre 

Par une soumission moite

Sois à l’affût

Il y a des issues

Il y a de la lumière quelque part

Il y en a peut-être peu

Mais elle bat les ténèbres

Sois à l’affût

Les dieux t’offriront des chances

Reconnais-les

Saisis-les

Tu ne peux battre la mort

Mais tu peux l’abattre dans la vie

Et le plus souvent tu sauras le faire

Le plus il y aura de lumière.

Ta vie, c’est ta vie.

Sache-le tant qu’il est temps

Tu es merveilleux

Les dieux attendent cette lumière en toi


Charles Bukowski

samedi 7 août 2021

Faire le portrait d'un oiseau


Faire le portrait d'un oiseau
Prévert m'a précédé
mais il y a des myriades d'oiseaux

Petit oiseau de toutes les couleurs
chante Bécaud

Peindre  capturer
l'unique spécimen
retrouver l'oiseau envolé
suivre sa trace étoilée
sur le sable
de l'écume aux nuages

Prévert
prête-moi ta plume

De l'encrier d'azur
le geai  le merle  l'hirondelle
éclaboussent le ciel
de leurs chants  de leurs cris
de leurs ailes

À l'ombre du jardin
la colombe esseulée
unique
symbole de Paix

Née d'un seul trait
sur la toile tendue
par un ange

Cet ange
ne la quittera plus

Portrait d'un oiseau
empreinte de l'ange
naissance d'une colombe

Sur la toile mouillée d'azur
plus qu'une branche d'olivier

Cygne blanc


mardi 22 juin 2021

La courbe de tes yeux


La courbe de tes yeux fait le tour de mon cœur,
Un rond de danse et de douceur,
Auréole du temps, berceau nocturne et sûr,
Et si je ne sais plus tout ce que j'ai vécu
C'est que tes yeux ne m'ont pas toujours vu.

Feuilles de jour et mousse de rosée,
Roseaux du vent, sourires parfumés,
Ailes couvrant le monde de lumière,
Bateaux chargés du ciel et de la mer,
Chasseurs des bruits et sources des couleurs,
Parfums éclos d'une couvée d'aurores
Qui gît toujours sur la paille des astres,
Comme le jour dépend de l'innocence
Le monde entier dépend de tes yeux purs
Et tout mon sang coule dans leurs regards.

Paul Eluard


lundi 21 juin 2021

Dans la main du Grand Amant


Je m'en reviendrai,
avec ma musette pleine de larmes, de livres et de rêves.
Et à mon tour je dévorerai l'Inconnu
dans une ineffable et éternelle étreinte.

Je m'en viendrai avec la souvenance des paysages et des peuples.
Chanteront les mers, danseront les galaxies, tressailliront les peuples.

Donner, se donner.

Nous sommes tous dans la main du Grand Amant
et les premiers balbutiements de notre adoration
sont les premiers moments de notre dignité.

Xavier Grall

vendredi 18 juin 2021

Hommage à Serge Bouchard (bis)


Porté par la voie boréale
celle des grands vents
les vents du Nord
qui font pencher les Pôles
caressent les banquises
nous ramassent dans nos peaux de bête
guettant l'accalmie qui ouvrira le chemin

Nous vivons de chasse et de pêche
d'arc et de filet
d'air pur et de forêt
de glace  de feu
de sentiers  de voie lactée
de flèches  de trajectoires
de cercles de parole et de silence

Nous survivons à l'hiver
à l'isolement  à la pollution
à la bosse du porteur

Nous rêvons la chasse
nous ramons la rivière
nous marchons la nuit
nous marchons le jour
toujours nous marchons la terre sacrée

Le jour où la nuit n'est plus
qu'à l'autre bout du monde

Combien de jours sans nuits
combien de nuits étoilées

Nous tressons ainsi l'infini
de babiche de wapiti de cerf
de chair  d'os  de cendre

Sauvage
l'alchimie sauvage des paysages
toundra épinettes noires mélèzes
alliance et métissage des esprits

Fonte des mémoires dans l'œil
du Québec

Innus Inuits
Inukshuk Inuktitut
dans tes geste et ta parole
par tes chants et tes danses
je m'imprègne de la sagesse du Caribou blanc
de la confiance de la Souris verte
je m'inspire de la réflexion de l'Ours noir
je pressens la paix de l'Aigle solaire

Je dépose ici ma plume sur la pierre
où est gravé ton nom
sous l'arbre où tu reprends racine

Ami anthropologue je te dis
Nakurmik

Cygne blanc

vendredi 4 juin 2021

Hommage à Serge Bouchard


L’homme qui a vu l’homme qui a vu la Grande Ourse par les détours de sentier des étés sans fin.

Il nous a quittés pour le village de la Grande Ourse, l’homme qui a vu les hommes des authentiques témoignages des actes de leur vie. Ces véritables; parfois de simples natifs tendus vers nous dans les bras de Mère nature comme des fleurs de justesse, parfois des fondatrices et des fondateurs qui prenaient la mesure de nos vastes contrées non encore souillées par l’appât du gain et les vulgaires ruses appropriatives et expropriatrices, souvent des animaux qui savent parler aux hommes la langue qu’ils ont oubliée. 

À défaut de monter un mammouth pour parcourir les nécropoles de nos mémoires holocènes, il s’est astreint à parcourir notre Boréalie avec un vieux camion aux yeux jaunes de loup-cervier, question de retrouver les sentiers effacés des Ancêtres. Peshu, le Lynx tutélaire, lui a appris à jouer avec les mots, à bondir de modernité à Tradition et à conserver intactes ses fourrures.

Ils l’ont attendu les Oki des Premières Nations. Gulo Gulo, le carcajou, les avait avertis de sa présence à La Romaine. Il fut désigné pour réparer dans la mémoire vierge du territoire des Innus les estafilades laissées par la croix du père Joveneau. Cette croix qui dissimulait le phallus du côté sombre de Kwekwatshew défiant les anges glacés de l’interminable horizon du golfe. Il a su retrancher, le meilleur de notre Loki septentrional, ce grand prêtre des orifices, ouvrant les portes parthénogénétiques et transes historiques pour y déloger les grands troupeaux de mensonges et y faire pénétrer les vérités chantantes du pré historique.

Il me faudrait des pages de nobles écritures pour rendre justice à la richesse des conversations qu’il a eues au cours des années dans son cénacle composé d’amants de la liberté et de la simplicité originelle. 

Mais sache cher aède anthropologue que les sillons que tu as déterrés dans notre imaginaire collectif nous conduiront sur les chemins de Médecine de Makousham où – je crois - tu es allé retrouver la fille du chef. Et cet apport est plus noble qu’un Nobel.

Lug, 27-05-2021


mercredi 19 mai 2021

À l'impossible on est tenu


Oui je sais que

la réalité a des dents

pour mordre

que s’il gèle il fait froid

et que un et un font deux

je sais je sais

qu’une main levée

n’arrête pas le vent

et qu’on ne désarme pas

d’un sourire

l’homme de guerre

mais je continuerai à croire

à tout ce que j’ai aimé

à chérir l’impossible

buvant à la coupe du poème

une lumière sans preuves

car il faut être très jeune

avoir choisi un songe

et s’y tenir

comme à sa fleur tient la tige

contre toute raison

J. P Simeon

lundi 17 mai 2021

L'arbre aux pommes d'or


Face à l'arbre
un silence s'impose
une halte dans le temps

Je me suis souvent assise
à tes pieds
dans la fourche de tes racines
sur la mousse de ton ombre
ma colonne appuyée
à la tienne

On dit que tu possèdes
ton propre langage

Je t'écoute
bruissant ramant
murmurant
entre soleil et rosée
entre ciel et terre

parfois cognant
craquant tambourinant
entre lunes et marées
chantant Gaïa
appelant Héra 

Je suis un fruit
de mon arbre généalogique
d'autres diront une branche
un bourgeon une fleur
issus d'une fécondation 

Je fis un rêve
où j'étais couchée
dans un verger
les arbres y étaient
couverts de pommes d'or

Je saluais à mon réveil
ces Soleils
illuminant ma nuit

Assise à tes pieds
je t'écoute
tu grandis en moi
je jouis de tes jeux
d'ombre et de lumière

Cygne blanc



samedi 8 mai 2021

Un monde idéal


J’ai déjà vécu dans un monde parfait où il n’y avait pas d’Idéal et encore moins d’idéaux ou d’idées fixes, dans la nudité d’une lumière sans mémoire et sans souvenir d’elle-même. En vérité, cet état n’avait rien à voir avec moi et qui que ce soit. Je n’ai pas non plus conscience de l’avoir quitté. Comment et pourquoi y retournerais-je maintenant que le poison de la recherche d’idéal coule dans mes déveines?

M’y voici donc dans le monde idéal; celui de la grimace et des limaces, de la production et de la consumation. M’y voici à m’envoler librement, lyriquement, amoureusement, mystiquement vers des plafonds dont j’ignore évidemment les couleurs dans l’enthousiasme de mes aveuglements. 

Et si l’idéal n’était qu’une question d’attraction? Faudrait peut-être le demander aux nephilims? Mais je crois qu’ils se sont desséchés depuis le temps et les filles de la Terre qu’ils ont aimées ne leur ont guère laissé le prestige de la paternité.

Un radis taoïste vous dira sûrement que l’idéal n’est que la brume du Tao. J’ai assisté bien sûr à quelques percées et effluves de nirvana, mais rien encore qui m’autorise à penser que c’était autre chose qu’une grimace du prince de la quête d’absolu si encore il existe.

Alors le monde idéal pour moi se trouve peut-être dans la giclée des risettes des enfants, la peur attachante des faons, la résilience des plantes et des bestioles et le retour de l’ange. Une effluve, l’haleine d’un vent sans attache, un Verbe sans syntaxe.

Lug Lavallée

mardi 4 mai 2021

J'emporte votre âme

 Vous ne saurez jamais que votre âme voyage

Comme au fond de mon cœur un doux cœur adopté

Et que rien, ni le temps, d'autres amours, ni l'âge

N'empêcheront jamais que vous ayez été.

Que la beauté du monde a pris votre visage,

Vit de votre douceur, luit de votre clarté,

Et que le lac pensif au fond du paysage

Me redit seulement votre sérénité.

Vous ne saurez jamais que j'emporte votre âme

Comme une lampe d'or qui m'éclaire en marchant ;

Qu'un peu de votre voix a passé dans mon chant.

Doux flambeau, vos rayons, doux brasier, votre flamme

M'instruisent des sentiers que vous avez suivis,

Et vous vivez un peu puisque je vous survis.

Marguerite Yourcenar, Les Charités d’Alcippe

dimanche 2 mai 2021

Le printemps jeune et bénévole


Le printemps jeune et bénévole

Qui vêt le jardin de beauté

Elucide nos voix et nos paroles

Et les trempe dans sa limpidité.


La brise et les lèvres des feuilles

Babillent, et lentement effeuillent

En nous les syllabes de leur clarté.


Mais le meilleur de nous se gare

Et fuit les mots matériels ;

Un simple et doux élan muet

Mieux que tout verbe amarre


Notre bonheur à son vrai ciel :

Celui de ton âme, à deux genoux,

Tout simplement, devant la mienne,

Et de mon âme, à deux genoux,

Très doucement, devant la tienne.


Emile Verhaeren

lundi 5 avril 2021

Danser encore

Nous on veut continuer à danser encore

Voir nos pensées enlacer nos corps
Passer nos vies sur une grille d'accords
Oh, non non non non non non
Nous on veut continuer à danser encore
Voir nos pensées enlacer nos corps
Passer nos vies sur une grille d'accords

Nous sommes des oiseaux de passage
Jamais dociles ni vraiment sages
Nous ne faisons pas allégeance
À l'aube en toutes circonstances
Nous venons briser le silence

Et quand le soir à la télé
Monsieur le bon roi a parlé
Venu annoncer la sentence
Nous faisons preuve d'irrévérence
Mais toujours avec élégance

Nous on veut continuer à danser encore
Voir nos pensées enlacer nos corps
Passer nos vies sur une grille d'accords
Oh, non non non non non non
Nous on veut continuer à danser encore
Voir nos pensées enlacer nos corps
Passer nos vies sur une grille d'accords

Auto-métro-boulot-conso
Auto attestation qu'on signe
Absurdité sur ordonnance
Et malheur à celui qui pense
Et malheur à celui qui danse

Chaque mesure autoritaire
Chaque relent sécuritaire
Voit s'envoler notre confiance
Ils font preuve de tant d'insistance
Pour confiner notre conscience

Nous on veut continuer à danser encore
Voir nos pensées enlacer nos corps
Passer nos vies sur une grille d'accords
Oh, non non non non non non
Nous on veut continuer à danser encore
Voir nos pensées enlacer nos corps
Passer nos vies sur une grille d'accords

Ne soyons pas impressionnables
Par tous ces gens déraisonnables
Vendeurs de peur en abondance
Angoissants, jusqu'à l'indécence
Sachons les tenir à distance
Pour notre santé mentale
Sociale et environnementale
Nos sourires, notre intelligence
Ne soyons pas sans résistance
Les instruments de leur démence

HK





samedi 3 avril 2021

Limon


Ma naissance comme semence
Comme gland avant la mesure du quand
Et le déploiement de l’espace dans les gorges de la soif

Et plus tard ce lin de conscience
Avec son visage d’automne et de terre
D’abandon aux souffles des bourgeons
Paumes vierges livrées à l’œuvre humide
Pour que s’écrivent toutes les mémoires 
Et les assonances des hautbois
Ne serait-il qu’une souche en devenir
Par laquelle passent les partitions de la forêt 
Faisant valser les nuages ?

Lug

vendredi 2 avril 2021

Merveilleux maintenant


Mon passé a vécu un passé infini,
mon avenir s'ouvre infini devant moi.
Quel merveilleux maintenant,
c'est surement l'éternité.

Kawai Kanjiro

mardi 23 mars 2021

Clin d’œil à Prévert en passant le temps


Mais oui da
Ouïe dada
Rien de plus aisé
Que de passer le temps
Cher Jacquot
Lapin de Paris
Dans les prés verts
Les prés vers
Sur un air de Kosma
Avant que ne disparaisse
Mon temps
À Montmartre
Avec Arletty
Et les pigeons
Ne pigeons pas
De quoi demain sera fait.
Mais ce temps qui passe
Cher Jacquot la Lune
Baïle des chiens et des chats
Et pourquoi pas des Petits Princes
De seins d’Héspéries
Emportant avec toi
Dans un désert trop blanc
Toutes les couleurs du jour
Exaspéré et exsangue
Du don de ses baisers
Aux mains maladroites
D’être encore palmées
Dans leur persistant manque d’imagination
Mais ce temps qui passe
D’outres en outre
Dans une tristesse animale
Ce temps qui passe
Et qui nous casse
Qui nous tasse
Pour un carré d’as
Nous lasse
Tant il sasse
Outrepasse
Lui répond
Le trou noir
Dans un Écho
Narcissique.

Lug

mercredi 17 mars 2021

Minutes obscures


Lumière de ce jour,
je viens du fond des temps.
Respecte avec douceur
mes minutes obscures,
épargne encore un peu
ce que j’ai de nocturne,
d’étoiles en dedans
et de prêt à mourir
sous le soleil montant
qui ne sait que grandir

Jules Supervielle

Chemin sans fin


Je viens de cette âme qui est à l'origine de toutes les âmes.
Je suis de cette ville qui est la ville de ceux qui sont sans ville.
Le chemin de cette ville n'a pas de fin.
Va, perds tout ce que tu as, c'est cela qui est le tout.

Rûmi

samedi 6 mars 2021

Quand on est jamais allé « Nulle Part »


Quand on est jamais allé « Nulle Part »

Un jour ce non-lieu nous interpelle

Est-ce aller « au diable vert »

Comme disait mon père

Et combien coûte un billet pour « Nulle Part »

Où se le procurer

Je déambule sur les quais d’une petite gare sans nom

Derrière le guichet devinez 

Il n’y a personne

Juste un écriteau où l’on peut lire le mot « Bienvenue »

Dans la salle attenante  quelques « voyageurs » déambulent

De long en large puis dans tous les sens  le regard ailleurs

Sommes nous arrivés ou est-ce le point de départ de ce voyage indéfini

Au son d’un klaxon du train qui entre en gare tous se figent

Je me précipite à l’extérieur 

Un long train bleu qui n’en finit pas de s’immobiliser 

De cracher sa fumée de siffler de s’essouffler sous le poids 

De sa ferraille 

« Nulle part » semble être un long voyage bien fatigant

Ma curiosité ma jeunesse ma témérité me propulsent

Dans le dernier wagon après tout nul ne m’attend

Les autres voyageurs sont maintenant sur le quai

Mais toutes les portes se sont refermées

D’aucun ne peut monter à bord

Seule passagère pour « Nulle Part »


Comme bagage un peu de courage et beaucoup de patience

Mais n’y tenant plus je me dirige vers l’avant du véhicule

Nulle trace de vie aucune présence 

Pas le moindre mouchoir tombé d’une poche 

Ou foulard abandonné 

Ou emprunte sur la cuirette des banquettes

Juste un pur silence et une parfaite immobilité

J’observe les visages de mes « Compagnons » demeurés sur le quai

Ils semblent recueillis indécis aveugles à ma personne

J’approche de la cabine de la locomotive

Le cœur battant je dois l’avouer

Aucun conducteur ni cheminot 

Juste un message sur l’écran du tableau de bord

« Vous êtes arrivée comme Nulle Autre »

Cygne blanc














vendredi 5 mars 2021

Printemps sans fin


Vous cherchez du côté du plus grand… C’est tellement plus simple : j’attends le printemps. Ce que j’appelle le printemps n’est pas affaire de climat ou de saison. Cela peut surgir au plus noir de l’année. C’est même une de ses caractéristiques : Quelque chose qui peut venir à tout moment pour interrompre, briser – et au bout du compte, délivrer.

Le printemps n’est rien de compréhensible – c’est même ce qui lui permet de tenir dans trois fois rien – un bruit, un silence, un rire.

Il se moque de conclure. Il ouvre et ne termine jamais. Il est dans sa nature d’être sans fin.

Ce que j’appelle le printemps ne va pas sans déchirure. C’est une chose douce et brutale. Nous ne devrions pas être surpris de ce mélange. Si nous le sommes, c’est que la vie nous rend distraits. Nous ne faisons pas assez attention.

Si nous regardions bien, si nous regardions calmement, nous serions effrayés par la souveraineté de la moindre pâquerette : elle est là, toute bête, toute jaune. Pour être là, elle a dû traverser des morts et des déserts. Pour être là, toute menue, elle a dû livrer des guerres sans pitié.

Ce que j’appelle le printemps est une chose du même ordre…

Dans le printemps, rien de tranquille ni de gagné d’avance. Lorsqu’il arrive, nous ne nous y retrouvons plus. Presque rien n’a changé et ce presque rien change tout.

Nous nous accoutumons trop vite à ce que nous avons.

Dieu merci, le printemps vient remettre du désordre dans tout ça. Nous découvrons que nous n’avons jamais rien eu à nous, et cette découverte est la chose la plus joyeuse que je connaisse.

Christian Bobin

lundi 8 février 2021

La danse des quatre éléments


Mon Soleil est d'air
ma Lune de terre
je suis sortie des eaux
j’émerge de ma nuit

depuis je cherche le feu
comme j'appelle Dieu

je trace alors un Cercle sur le sable
au Nord j'y dépose une pierre
à l'Est un brin d'encens
au Sud quelques tisons
à l'Ouest une coupe d'eau

Au Centre est ma prière

Je chante et je danse
j'invoque les esprits

Des grands glaciers polaires
aux steppes de la Patagonie

suivant les escaliers aériens
des longitudes et méridiens

survolant les volcans
et leurs fumeroles

baignant dans l’insondable
bouillon océanique

Ils sont là 
ceux que l'on pense ne voir
que dans le cœur d'une fleur
qu'on croit n'entendre
que dans le froissement de l'herbe
qu'on ne peut toucher sans frissonner
dont le doux parfum est souvenir


j'appelle la Terre
j'appelle l'Air 
j'appelle le Soleil
  j'appelle l'Eau


Au centre ma prière
  est une Étoile 
une main ouverte

j’y dépose un peu de terre
un peu de cendres
je salue le soleil
je bois à la source

je chante et je danse

Le Cercle s’ouvre
Il trace mon envol

Cygne blanc

mercredi 13 janvier 2021