dimanche 30 juin 2019

Pina

Hommage à Pina Bauch, à l'occasion du 10ème anniversaire de son décès


Un homme, une chaise
Il s’assoit
Seuls ses pieds s’agitent sous lui
Un autre homme
Entre, s’étend au sol
rampe de ses bras
de ses coudes
il emplit l’espace   
de son corps
le troisième homme s’adosse
au mur, observe
le quatrième trouve sa place
d’emblée
il monte sur une table
tend les bras vers le haut
regarde droit devant lui

Elle arrive
virevolte non
pas encore
voltige bientôt
danse à peine
court à perte
marche vers l’un
vers l’autre sans égard

sa robe
vous la voudriez bleue
intouchable
ou rouge de braises
en fusion
verte océane
elle est orangée
terre brûlée
à l’approche du soleil
terre de sienne
comme sa peau
de pauvresse
de princesse

au sol l’homme rampant
l’encercle de sa masse
la retient longuement
dans son déséquilibre
elle s’abandonne
lentement il la transporte
elle est son habitat
il lui retire sa robe d’ocre
de terre brûlée
elle porte alors sa robe océane
il l’installe sur les genoux
de l’homme assis puis s’éloigne

l’homme assis
la berce
la dévêt de sa robe verte
dont il couvre ses pieds
désormais immobiles

le troisième homme
quitte son point d’observation
l’attire à lui
rouge tango
d’une robe oubliée

rêve indigo dévoilé
dans les bras de l’homme attablé
dépouillée d’un frisson
elle est nue
comme la peau du ciel à l’aube
plus nue que la lune
face au soleil
que vous et moi dans son regard

elle danse, virevolte, voltige
ses bras, ses jambes
enserrent l’horizon
son corps épouse ciel et terre
son souffle attise la fusion
des braises
embrasse le bleu inouï
survole l’ocre des déserts
aux confins des océans

sa chair est continent
forêt, brousse, jungle
longue plainte d’un ailleurs
qui nous revient

dans le regard des hommes
un seul désir
Être
Être à nouveau
Infiniment
Être

Cygne blanc


vendredi 28 juin 2019

Décantouque d’un pays à reconquérir

Hommage à Gérald Godin


Je n’entends plus les voix de Maria
Sauf loin loin dans les bois
Où s’arrête le regard du comte d’Hydro
Et où les loups et même le Windigo
Pensent à changer de peau.

Tout ça à cause des descendants de Bigot
Et des Libéraux qui ont toujours vendu
Les yeux de canon de Louis bourg qui n’ont rien vu
Nos forêts, nos lacs, nos idées et nos grandes crues
Nous reléguant aux sauvages, aux moins que rien et aux parias.

Ils sont où ces trafiquants d’armes, de terres et d’âmes
Virus qui s’attache au corps de lumière d’un peuple
Pour lui soutirer son bonheur et ses flammes
Afin que tranquillement il se dépeuple.

Les tabarnaks à cravate
Crosseurs de la bourse
Qui un jour n’aura plus de jus
Plus de vie, plus d’avenir
Les petits gestionnaires et les nouveaux spéculateurs
Qui ont tassé les poètes, les diseurs et les chanteurs
Ceux-là qui ont repris du service en soixante-seize
Et qui ont  au nom de l’économie,
Surtout la leur, nous  promettaient 
Le chemin le plus court pour y arriver au pays
Les disciples du fiasco olympique
Du triomphe de la pensée commerçante unique
Qui ont multiplié par milliers les têtes de Babylone
À Dubaï, à Shanghai et dans toutes les métropoles
Aux impuissances phalliques de gratte-ciels
Aux érections toujours plus hautes
Et aux ongles de schistes
Les binaires, les pognés 
Du nouveau bréviaire
Les unicellulaires enfermées dans leurs cellulaires
Dans les toiles d’araignée refroidies
Des Kundalini aux mille pattes nouées
Des réseaux électriques et des fibres optiques.
Elles sont où nos squaws et nos filles du roy
Dans ce pays de fausses blondes 
Qui rêvent de policiers et de pompiers 
D’entrepreneurs en construction 
Et de joueurs de hockey
Tous pendus aux écumes du million?

Qu’est-ce qui t’arrive ma Terre Québec
Il est grand temps que tu retournes à l’argile
Tiens à L’Isle-Verte où défèquent les oies
Qu’on te refasse une beauté?
C’est-tu ça Terre Québec
Une vitrine de porcs d’hamsters dame Nouvel Âge
Qui tournent en rond dans l’anale logique pas du tout?

Vous êtes où Pélo, Ducharme, Godin, Julien et Langevin
Pis les hôtes?
Qui voyaient surréalistes 
Et n’en voulaient pas de cet hyperréalisme
Virtuel calqué sur du mauvais réel
Au point de l’étouffer le réel 
De l’empêcher de respirer
De sortir des cadres

Allons sortons les violons
Les gazous, les musiques à bouche et à babouche
Les cuillères, les flèches de nos ceintures
Et dans un reel d’enfer
Faisons le sortir le réel de ses normes et de ses cadres
Qui ne nous ont jamais appartenu.

Retournons dans nos forêts Gaulois d’Amérique
Disons non à ces abrutis qui arrachent les bras des arbres
Aux pro gazons et autres poisons de ce monde 
Aux convertis de la Gestapo Santé Sécurité
À ces délateurs gelés aux barbituriques des média
Et au nouvel Évangile de l’imbécillité
Qui voient en chaque voisin un maudit Judas.

Il est où mon Québec
Des parties de hockey
Des gamins qui bloquaient les rues l’hiver
Des rondelles noires aux yeux carbonisés
De Maurice Richard ?
Il est où mon Québec perdue dans les légendes nues
De je m’ensauvage quand le cœur m’en dit
Parce qu’il cogne trop fort avec son Noroît contre mes tempes
Et que j’ai le goût de bondir 
Comme une fleur à la face de la vie ?

Lug Lavallée, 

dimanche 23 juin 2019

Folie qui danse

Finalement je n'aime pas la sagesse. Elle imite trop la mort. Je préfère la folie - pas celle que l'on subit, mais celle avec laquelle on danse.

Christian Bobin

samedi 22 juin 2019

Se connaître

Si tu parviens à te connaître totalement, si tu peux affronter honnêtement à la fois tes côtés sombres et tes côtés lumineux, tu arriveras à une forme suprême de conscience. Quand une personne se connaît, elle connaît Dieu.

Djalâl-od-Dîn Rûmî

vendredi 21 juin 2019

Entre les murs

Entre les murs
du temple
nous marchons

chacun de nos pas
nouveaux
anciens
à la fois

fleurs du frangipanier
offrande terrestre
à la porte des jardins
Ganesh
le Om 

Cygne blanc


jeudi 20 juin 2019

Réinventer le feu

Il faut la nuit pour que le jour puisse sortir de la profondeur obscure qui l'enfante. Il faut le jour pour que la nuit puisse jouir de la danse du soleil dans le temple qu'est son ventre. Il faut le temps suspendu pour que soit recueillie la semence de la lumière. Il faut l'immensité de l'océan étoilé et la violence des embruns qui fouettent le visage, la douceur salée des larmes qui remplissent l'absence par laquelle tout est convoqué, pour qu'enfin opère l'alchimie qui réinvente le feu chaque matin. Il faut l'Amour, sinon tout est vain.


mercredi 19 juin 2019

mardi 18 juin 2019

Force dérangeante

La vie, appelons ainsi approximativement cette force dérangeante qui se charge, à brève ou longue échéance, de délabrer tout système, n'a cure des bonnes intentions. Non que ces intentions n'aient été sincères, mais la vie ne les respecte pas. Dans toute croyance, dans tout principe, dans toute idéologie, elle flaire le "système", la réponse toute faite. La vie ne tolère à la longue que l'impromptu, la réactualisation permanente, le renouvellement quotidien des alliances. Elle élimine tout ce qui tend à mettre en conserve, à sauvegarder, à maintenir intact, à visser au mur.

Christiane Singer

lundi 17 juin 2019

Obligation morale

Notre unique obligation morale, c’est de défricher en nous-mêmes de vastes clairières de paix et de les étendre de proche en proche, jusqu’à ce que cette paix irradie vers les autres. Et plus il y a de paix dans les êtres, plus il y en aura dans ce monde en ébullition.

Etty Hillesum

dimanche 16 juin 2019

Territoire inconnu


La vie en territoire inconnu, sans refuge, sans repères. La fraîcheur d’images surgies tout droit de la terre. Ici, pas de style, quelque chose comme une physique, une physique de l’esprit, une physique du mot. Pas de discours fadasse charriant des mondes morts. Quelque chose qui va plus loin, qui vous relie à l’univers.

Kenneth White

samedi 15 juin 2019

Chemin le plus court


Dans ce monde saccagé, les chemins les plus courts d'un être à un autre sont des chemins intérieurs. On ne connaît pas la vie de quelqu'un si l'on n'en sait que les événements extérieurs. Pour connaître la vie de quelqu'un, il faut connaître ses rêves, ses rapports avec ses parents, ses états d'âmes, ses désillusions, sa maladie, sa mort.

Etty Hillesum

jeudi 13 juin 2019

Comme fit la rose


Comment
fit la rose
pour jamais ouvrir son cœur
et donner à ce monde toute sa beauté ?
J'ai senti le réconfort de la lumière au travers de son être
sans ce sentiment nous restons tous trop
effrayés.

Hafiz de Shiraz

mercredi 12 juin 2019

Durée amoureuse

La durée amoureuse n'est pas une durée. Le temps passé dans l'amour n'est pas du temps, mais de la lumière, un roseau de lumière, un duvet de silence, une neige de chair douce.

Christian Bobin

mardi 4 juin 2019

Un arbre


Vivre comme un arbre, seul et libre
Vivre en frères comme les arbres d'une forêt. 

Nazim Hikmet

lundi 3 juin 2019

Percussion du silence

"La mer nourrit le secret torride du désert et de la roche’’
Yves Préfontaine, Les Épousailles (1958)



Bras du fleuve détaché de nos origines dormantes,
Flambeau de nerfs et d’attentes rompus
Révélant dans les strates de la nuit,
De l’Isle Verte à Percé,
La présence étranglée de trop lointaines vigies
Signalant la densité des divinités oubliées
Aux haleines durcies  de la pierre meule du temps,
Aux ongles crispés des schistes.

Schistes, édredons de pierres et d’eau 
Concédant parfois à l’index d’un enfant
Les vocables effrités de magies trop éculées
Pour raviver les mains noyées de l’écume
Qui nous tendent leurs amours et nos silences,
Qui nous prennent nos amours et leurs silences
Sous le ciel en cendres
De ce grand pays boréal
Éviscéré dans le sillage androgyne
Des escargots cuivrés et cuirassés des pôles. 

En ce pays d’inquiétants bardo
Les austères épinettes noires 
Multiplient leurs chairs fongiques
Dans l’humus et les lichens recommencés
Barbes d’avatars qui tardent
À délivrer les secrets minéralisés
Des colliers géologiques des cœurs captifs.

Septentrion tant et tant de pierres compactées
Ruminent l’oubli de la fraîcheur des premières prières
Dans les floraisons cristallines des pèlerins et des poètes,
Chantres de l’impassible visage
De ce pays toujours à réensemencer
Du sel de nos ossements
Qui perçoivent la caresse de fer du fleuve
Contre les pierres fatiguées de l’impossible rivage.

Penser ce pays et voir toutes les paroles retenues
Des origines et des fins dernières
Dans la gorge de l’estuaire
Hurlant muet à tous les continents
Qu’il n’est pas d’éternité,
D’infini et de magie
Sans enfance
Et qu’un pays est toujours un peu 
La camisole de force
Du rêve fou des empires en devenir
Et que cette voix nue de Terre Québec
Est par-delà les rivages
Métamorphose des saisons, 
Des forêts, des lacs, des rivières
Et des peuples complices qui l’habitent.

Lug Lavallée

dimanche 2 juin 2019

Horizon de demain


Il n'est rien de plus beau que l'instant qui précède le voyage, l'instant où l'horizon de demain vient nous rendre visite et nous dire ses promesses.

Milan Kundera

samedi 1 juin 2019

Le chemin du vent

Chemin du vent XI - Josef Ciesla

Sur le pas de la porte, tu me regardes et clignes de l’œil avant de t'envoler dans la beauté du soir. J'avoue que j'hésite en te regardant aller : comment tout quitter encore une fois ? Mais le mouvement dansant de tes hanches ne me laisse guère le choix. Je retrouve en moi-même le roulis de la barque sur l'eau tandis qu'elle glisse dans le silence pour aller embrasser l'horizon. A ta suite, j'entre maintenant dans le chemin du vent.