jeudi 31 octobre 2019

Octobre


le cri rauque de l'herbe sauvage
le cri de ralliement des moissons
le cri en gerbe étranglé des mains terreuses
le cri fauché de la solitude
le cri sans parole sans nombre sans teint
du temps qui meurt 

s'envolent les oies 
Octobre rougeoie

au cri crispé d'un tremblement 
Octobre flamboie
au cri intime du jardin nu
Octobre dépouille
au cri refuge d'une saison aux aguets
Octobre chasse

la forêt demeure
peuplée de silence

au passage des oies
s'envolent nos voix

Cygne blanc


mercredi 30 octobre 2019

Évider l'intérieur


Plus la tristesse évide l’intérieur de votre être, plus vous pouvez contenir de la joie.

Khalil Gibran

mardi 29 octobre 2019

Nuit celtique


Quand pleuré du sang des larmes
Je dévalerai le second versant
Le Léthé de l'âge
Les étés du village retrouvé
Je fracasserai le miroir du fleuve
Puis traverserai Ys et ses ruelles.

Lug Lavallée

lundi 28 octobre 2019

Passage


Chaque personne qui passe dans notre vie est unique. Elle laisse toujours un peu d’elle-même et emporte un peu de nous. Il y a celles qui auront emporté beaucoup, mais il n’y en a pas qui n’auront rien laissé. C’est la plus grande responsabilité de notre vie et la preuve évidente que deux esprits ne se rencontrent pas par hasard.

Jorge Luis Borges 

dimanche 27 octobre 2019

Instantanés


Lorsqu'on a plus de rêves que de réalités
Venons-nous de franchir le seuil de la disparition?
Quand on croit trouver un alphabet qui nous était destiné
Venons-nous d’avilir l’unique œil de l’intuition?
Lorsqu’on a plus de lièvres que de vérités
Venons-nous de trahir l’orgueil de nos fictions ?
Lorsqu’on ne reconnaît plus l’Ève de nos plaisirs gênés
Venons-nous de maudire l’écueil de nos incursions ?

Lug Lavallée

samedi 26 octobre 2019

Pardon


J'ai rêvé d'elle, et nous nous pardonnions
Non pas nos torts, il n'en est en amour,
Mais l'absolu de nos opinions
Et que la vie ait pour nous pris ce tour.

Paul Verlaine

vendredi 25 octobre 2019

Récolte


En automne, je récoltai toutes mes peines et les enterrai dans mon jardin. Lorsque avril refleurit et que la terre et le printemps célébrèrent leurs noces, mon jardin fut jonché de fleurs splendides et exceptionnelles.

Khalil Gibran.

jeudi 24 octobre 2019

Traînée brûlante


J'ai appris qu'il y a des amours impossibles, des amours inachevés, des amours qui pouvaient être et n'ont pas été. J'ai appris qu'une traînée brûlante est préférable, même si elle laisse une cicatrice : mieux vaut l'incendie à un cœur en hiver.

Ferzan Ozpetek

mercredi 23 octobre 2019

Écrire


Écrire pour demeurer fidèle,
Écrire pour conjurer l'artifice et la différence,
Panser les plaies de Prométhée, 
Repousser les vautours.

Écrire pour rivaliser avec l’immortalité des dieux;
Désirer un rapport génital à la Création.
Écrire afin de mieux supporter sur nos épaules le poids de la trahison
                      De tous ceux qui se prétendent indispensables
Être le fils prodigue du paternalisme intransigeant de l'Histoire.

Écrire pour éprouver tout ce qu'il y a d'humain dans l'acte de reproduction,
Chanceler  à l'an zéro de la conscience.
Écrire pour inventorier les meurtres que l'Humanité accumule,
Dénoncer la tyrannie du savoir et de la culture.

Écrire pour restituer aux mots l'enfance que le quotidien leur arrache,
Retrouver la magie et le rythme primitifs qui précédèrent le premier acte.
Écrire pour découvrir l'essence des nuages qui passent,
Écrire pour filtrer la lumière,
Déshabiller la honte du vieil Adam.

Écrire pour sortir du labyrinthe,
Écrire pour se maintenir sur le seuil du poème,
Laisser le vent  du Paraclet balayer les peaux mortes de l'ego.

Écrire pour attraper la mort avec les filets du langage,
Puis se jeter en fin de quête dans l'océan du pressenti 
                         Et du jamais dit.

Lug Lavallée

mardi 22 octobre 2019

Poignée de lumière


L'intelligence est la force, solitaire, d'extraire du chaos de sa propre vie la poignée de lumière suffisante pour éclairer un peu plus loin que soi - vers l'autre là-bas, comme nous égaré dans le noir.

Christian Bobin

vendredi 18 octobre 2019

Portes


Qui a déverrouillé  ces mémoires amérindiennes?
Au carrefour d’une destinée dont j’ignore les bras
Pour le tranquille surgissement d’une terre de songes
Dans l'impermanence des événements et des ponctuations?

Et mes pensées vont lentement au bout de leurs horizons
Comme jadis les bisons des Plaines
Elles passent 
Jaunes troupeaux dans la lumière qui s'évanouit.
D’Odanak à Taos
De la mémoire atlante des Innus
Au miroir de la transhumance
De l'Orénoque et de l'Amazone
Les fourches du chemin me ravissent
Chaque jour un petit peu plus de vie
De sable et d'eau.

Et sur l’archet de mon dos
La forêt boréale me chante
Le paysage familier 
D’insondables ancêtres 
Cognant aux portes de mes rêves.

Lug Lavallée

jeudi 17 octobre 2019

Le toit de l'enfer

Dans ce monde qui est le nôtre
Nous marchons sur le toit de l'enfer
En contemplant des fleurs

Koba-Yashi Yataro, dit Issa (1763-1827)

mercredi 16 octobre 2019

Suppose


Suppose
Que je vienne et te verse
Un peu d’eau dans la main
Et que je te demande
De la laisser couler
Goutte à goutte
Dans ma bouche.
Suppose
Que ce soit le rocher
Qui frappe à notre porte
Et que je te demande
De le laisser entrer
Si c’est pour nous conter
Le temps d’avant le temps.
Suppose
Que le vol d’un oiseau
Nous invite au voyage
Et que je te demande
De nous blottir en lui
Pour avec lui voler
A travers la pénombre.
Suppose
Que la mer ait envie
De nous voir de plus près...

Guillevic

mardi 15 octobre 2019

Fragments d'un pays incertain


Aussi près 
Aux cyprès
Au ventre troué des routes des camionneurs
Mais aussi près 
Que les feuillages le savent 
Que le végétal décharge ses synapses  
Sur les tambours éteints de la mémoire

Aussi près
Des morts que des vivants, 
Franchissant dans une marche silencieuse 
La déchirure
La mince pellicule
Du virtuel, du réel ou du mortel?

Maintenant prêt
Au seuil de toutes ces voix parties en pèlerinage,
Laissant leurs oiseaux picorer les pensées.
Dans les hautbois des os, la forêt y répand son haleine rosée
Et le vent vainc les résistances de l’ancienne route du sang. 

Enveloppé dans la verte bruine de ce pays incertain

On en oublie ce qui se consume dans le feu des urgences.
Et il semble que les morts et vivants se désaltèrent d’une aube nouvelle.

Lug Lavallée

lundi 14 octobre 2019

Porte ouverte


Il y a une porte ouverte
et pourtant il faut la forcer.

Nous ne savons pas ce qu’il y a derrière,
mais de là vient l’appel.

Nous ne pouvons aller ailleurs,
mais nous venons d’ailleurs.

Nous sommes dehors et le savons
mais peut-être que tout est dehors.

Toujours nous cherchons cette porte,
mais elle devrait être fermée.

Ici l’ouvert est infranchissable.
Comment franchir ce qui n’existe pas ?

Il faut fermer l’unique porte
afin peut-être de pouvoir entrer.

Roberto Juarroz

dimanche 13 octobre 2019

Jalons pour un Manifeste


Nous en appelons à l’irrévérence!
 Cessons d’être polis devant la référence

Nous en appelons à la force primitive de nos tambours
Enterrons définitivement les dialogues de sourds
Nous en appelons à la colère des éléments
Nous en appelons à tous les démons de nos angles morts
Pour retrouver le feu des origines de la voix
Non aux ulémas de la pensée unique dans les minarets des médias
Non aux docteurs de tous acabits qui nous prescrivent comment penser
Finissons-en avec le climat démentiel qui nous tient dans ses ficelles
Finissons-en avec l’usage éhonté de la terre
L’homme appartient à la terre et non le contraire
Finissons-en avec les criminels qui se l’approprient
Les constitutions qui les protègent
Le phallus meurtrier de la finance
La bourse qui sacrifie le présent pour l’avenir de quelques-uns

Non aux juridictions, aux lois,  à l’extorsion de nos libertés
Non aux mensonges des fausses nécessités qui nous détournent de nos intuitions
Non aux vautours qui rôdent autour des chairs fraîches de nos étés 
Non aux consensus fabriqués pour légitimer les spoliations
Non aux  plus-values de la vitrinisation numérique 

Incluons une nouvelle notion de crime que nous appellerons crime sociétal
Répréhensible quiconque détruit son environnement pour son propre bien
Répréhensible quiconque aliène la liberté d’autrui
Répréhensible quiconque manipule les consciences
Répréhensible tous les vampires cyniques qui saignent nos rêves

Cessons d’être les esclaves d’un seul pharaon
Soyons tous et chacun notre propre œuvre d’art
Il n’est aucun bien que l’on puisse posséder
Le seul bien est la vie que l’on se donne.

Lug Lavallée

samedi 12 octobre 2019

Absolue liberté


Quand je ne pense pas et que je parle
Quand j’ignore ce que je dis
Saisie par une fureur souterraine
Un flot de connivence
Un fragment d’existence
Je deviens navigateur d’îles lointaines
Ciel, tonnerre, terre
Je plonge animal
en tête-à-tête avec le rire et la démesure
La sorcière frissonnante implose

Les gens ignorent à quel point
ces mondes m’appellent
Ces royaumes impalpables
Ces silences entre les lignes
Ces berges inconnues
Ces aubes qui bourdonnent de vivre
Ces ardentes secondes inventées
Ces clins d’œil, ces pas de danse
Cet instantané
Avec une grâce prodigieuse
Je cuisine la raison
Les profondeurs se démènent
L’absolue liberté offre sa présence accessible, disponible
Je tremble, je frissonne
Je danse avec ce qui monte
les pieds enracinés au feu souterrain
Cette ivresse millénaire
Ce chien endormi sous la mer
Cette frontière du Nous
de l’instant présent

Nita

vendredi 11 octobre 2019

Un pays sans hiver


J'ai rêvé d'un pays sans hiver mais il n'existe pas. J'ai couru après un temps sans lendemain mais il s'est enfui sans retour. J'ai voulu un soleil qui ne se coucherait jamais et il m'a gentiment reconduit à la nuit. Enfin, je te rencontre dans ton absence et ton sourire éclaire ces vies que nous n'avons pas vécues ensemble...

jeudi 10 octobre 2019

Pour en finir avec Gilgamesh


Les dieux ont caché l'immortalité 
dans le cœur des hommes 
afin qu'ils ne puissent pas la trouver
et que dans leurs quêtes, ils s'inventent des idoles,
des héros agités par le fanatisme et la démence
bousculant terres, mers, vents et ciel
jusqu'à l'éternel silence
assourdissant de la mortalité
.
Les dieux ont soustrait le pouvoir 
du ventre des hommes
afin qu'ils ne puissent pas le dénaturer
et qu'ainsi ils continuent de dominer leur prochain,
épuisent le carburant de leur enfance pour affoler la roue du temps, 
 et que frustrés, ils projettent d'arracher les bras des galaxies,
fassent moisir la pluie, 
exténuent la lumière du soleil
puis saignent le blanc et le noir.

Les dieux ont placé l'immatérielle beauté
dans les yeux des hommes
afin qu'ils ne puissent pas la posséder

et qu'ainsi ils continuent de vider l'univers de ses couleurs,
sculptent la lumière avec les ciseaux de l'ombre,
crèvent le cœur des roses comme des insectes enragés
et qu'agenouillés devant leurs chimères
ils puissent enfin péter et roter.

Les dieux ont placé la vérité
dans l'esprit des hommes
afin qu'ils ne puissent point la tromper
et donnent des noms à chaque chose,
fixent le mouvement dans des mots et des concepts,
érigent des forteresses de paroles
autour du Verbe qui a abandonné ses frocs
et qu'aveuglés, ils s'enferment dans la cécité. 
  
Les dieux ont laissé l'espérance 
dans le cœur des hommes
afin qu'ils puissent traverser 
au jour du crépuscule des dieux
le long désert de l'Histoire, 
et qu'ils laissent derrière eux
les derniers murmures de la première cité
traversant enfin la porte du soleil dense.

Les dieux ont dissimulé tout près l'amour 
dans le cœur des hommes
afin qu'ils puissent le trouver
et qu'enfin libérés des pièges de leurs désirs,
délivrés des chaînes des peurs
transmises d'une génération à la suivante
ils puissent s'ensemencer dans le terreau du soleil
et échapper aux lois du retour.

Lug Lavallée

mercredi 9 octobre 2019

Rétroaction


C'est parce que le poème rétroagit
sur ce qui l'engendre
                en imprimant
                densité
                vigueur
                éclat
que le poète reçoit 
tant de l'écriture.

Charles Juliet

mardi 8 octobre 2019

Au pays de Menaud


Tel Menaud, jadis sur le sentier des ancêtres,
Longeant les Hautes-Gorges, réveillant l'effroi,
De son bâton nommant l'écho dans le beffroi,
Je veux réintégrer la narration des hêtres.

Dans cette nuit d'encre où disparaissent les mètres,
De la taïga à la toundra règne le froid,
Temple sacré où le chasseur se change en proie
Le corps et l'esprit livrés à de nouveaux maîtres.

Loin dans ce pays pleurant ses météorites,
Puériles semblent les lumières des cités.
L'angoisse y perd son sang comme une stalactite

Puis s'éveillent tous les animaux alités 
Quand La Malbaie avec ses cris de stalagmites
Revoit le Manitou en son éternité.

Lug Lavallée

lundi 7 octobre 2019

Illusion d'optique


Un être humain est une partie de l’ensemble, que nous appelons « Univers », une partie limitée dans le temps et l’espace. Il se ressent lui-même, ressent ses pensées et ses sentiments comme quelque chose de séparé du reste – une sorte d’illusion d’optique de sa conscience. Cette illusion est une sorte de prison pour nous, nous limitant à nos désirs personnels et à l’affection pour quelques personnes proches de nous. Notre tâche est de nous libérer de cette prison en élargissant notre cercle de compassion pour embrasser toutes les créatures vivantes et l’ensemble de la nature dans sa beauté. Personne n’est en mesure de réaliser cela complètement, mais l’effort pour une telle réalisation est en soi un pas vers la libération et est la fondation d’une sécurité intérieure. 

Albert Einstein

dimanche 6 octobre 2019

Poème fétiche


J’aime les mots comme les talons hauts
Ceux qui font comme les gouttes d’eau
Sur les toits de tôle des dimanches après-midis
Aussi, ceux qui font comme des bruits de clous
Dans les greniers de mes tabous
Trouant l’hymen de l’espace des non-dits.

J’aime les mots séminaux
Œufs et yeux de serpents
Habillant le monde dorénavant devenu sensible
De leurs peaux et rivières
Entraînant les géométries invisibles de la pensée
Dans leurs mues, leurs robes, leurs arômes et leurs dentelles.

Les mots sont les végétaux ophidiens
De la culture exposée aux œuvres des menstrues.

Lug Lavallée

samedi 5 octobre 2019

Pluie qui tombe


Quel est le pire, la pluie qui tombe ou que tu refuses d'être mouillé ?
Les vents qui changent, ou que tu te battes contre ?
L'herbe comme elle pousse, ou que tu demandes qu'elle croisse plus vite ?
Ce moment-ci, ou le rejet que tu en fais ?
Considère la possibilité que la vie n'est jamais "contre" toi.
Tu es la Vie.

Jeff Foster

vendredi 4 octobre 2019

Branches


Branches
Tisons de bras et de regards
Posés là
Tombés là
Accidentellement

Non !
Puisque tout ce qui reste de verdoyant
Dans la volonté de la sève pour durer
Endurer l’eau qui tonne
Et l’hiver au bout de ses silences
Est au souffle retenu de la branche sur le sol
Une musique intérieure
Homme, animal, oiseau
Une articulation désarticulée
De la forêt des origines
Où jamais les bourgeons n’éclatent
Et les branches tombent !

Lug Lavallée

mercredi 2 octobre 2019

Épouser la mer


J'ai épousé la mer cette nuit
À l'heure où la côte s'éclaire

La mer ne m'a rien demandé
Ni d'où je viens
Ni qui j'ai aimé

Elle a rempli ma bouche de son sel
Et mon esprit de son silence.

Jean Autissier

mardi 1 octobre 2019

L'envers des choses


Le Dieu de face, le Dieu connu, celui des religions, ne nous a servi à rien. Plus qu'un Dieu qui tourne le dos, je crois parler de la recherche du dos de Dieu. La part visible des choses, décrite, racontée, historique, connue de tous, ne nous a servi à rien. C'est l'envers des choses qu'il faut découvrir. C'est là tout le sens de ma recherche.

Roberto Juarroz