Il
est des moments dans la vie où l’on a presque l’impression
d’entendre l’ironique froufrou du temps qui se dévide,
Et
la mort marque des points sur nous.
On
s’ennuie un peu, et on accepte de se détourner provisoirement de
l’essentiel pour consacrer quelques minutes à l’accomplissement
d’une besogne ennuyeuse et sans joie mais que l’on croyait
rapide,
Et
puis on se retourne, et l’on s’aperçoit avec écœurement que
deux heures de plus ont glissé dans le vide,
Le
temps n’a pas pitié de nous.
À la fin de certaines journées on a
l’impression d’avoir vécu un quart d’heure et naturellement on
se met à penser à son âge,
Alors
on essaie d’imaginer une ruse une sorte de coup de poker qui nous
ferait gagner six mois et le meilleur moyen est encore de noircir une
page,
Car
sauf à certains moments historiques précis et pour certains
individus dont les noms sont écrits dans nos livres,
Le
meilleur moyen de gagner la partie contre le temps est encore de
renoncer dans une certaine mesure à y vivre,
Le
lieu où nos gestes se déroulent et s’inscrivent harmonieusement
dans l’espace et suscitent leur propre chronologie,
Le
lieu où tous nos êtres dispersés marchent de front et où tout
décalage est aboli,
Le
lieu magique de l’absolu et de la transcendance
Où
la parole est chant, où la démarche est danse
N’existe
pas sur terre,
Mais
nous marchons vers lui.
Michel Houellebecq
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