dimanche 31 août 2014

Joyaux de verre poli


Je rends grâce à cette déesse toujours patiente et souriante qui se penche sur moi quand je reviens à la douce inutilité de vivre et que je lui ouvre mon cœur. Elle y plante des rêves qui fleuriront dans l'éternité et elle les arrose de mots lumineux, qui brillent comme des joyaux de verre poli par la mer quand s'y reflète le soleil.

Second avènement


Tournant, tournant dans un cercle toujours plus large,
Le faucon ne peut plus entendre le fauconnier.
Tout se disloque. Le centre ne peut tenir.
L'anarchie se déchaîne sur le monde
Comme une mer noircie de sang : partout
On noie les saints élans de l'innocence.
Les meilleurs ne croient plus à rien, les pires
Se gonflent de l'ardeur des passions mauvaises.


Sûrement quelque révélation approche ;
Sûrement le second avènement approche.
Le second avènement ! À peine ces mots dits
Qu’une énorme image issue du Spiritus Mundi
Me trouble le regard : quelque part dans les sables du désert,
Une forme au corps léonin et à la tête d’un homme,
Une fixité aussi terne et sans pitié que le soleil,
Remue ses cuisses lentes, tandis que tout autour
Tournoient les ombres d’oiseaux indignés du désert.
La noirceur tombe à nouveau, mais maintenant je sais
Que vingt siècles de sommeil pierreux
Furent vexés en cauchemar par un berceau,
Et son heure enfin revenue, quelle bête rugueuse
Erre-t-elle vers Bethléem pour naître ? 


W.B Yeats 

samedi 30 août 2014

Anima essentialis

Je suis la fleur des champs et le lys de la vallée. Je suis la mère du bel amour, de la crainte, de la connaissance, de la sainte espérance… Je suis le médiateur des éléments qui les fait s’accorder. Ce qui est chaud, je le rends froid et inversement. Ce qui est sec, je le rends humide et inversement, et ce qui est dur, je l’adoucis… Je suis la loi dans la bouche du prêtre, la parole dans la bouche du prophète, le conseil dans celle du sage. Je tue et je donne la vie.
Texte mystique du Moyen-Âge

Semeuse de rêves


Elle habite le premier matin du monde, avant même que le silence ne soit. En elle, la patience minérale des gouffres qui nous attendent, la ferveur végétale de l'amour quand il boit la lumière, la jubilation animale de la danse et le rire frais des Anges tandis qu'elle se laisse emporter par la course lente des nuages, et qu'elle sème sans compter une multitude de rêves volatiles pour peupler nos nuits.

vendredi 29 août 2014

Éclosion vertigineuse


L'âme est née un jour à elle-même, se découvrant soudain dans sa nudité essentielle. En elle, la profondeur même dont elle est issue, tout à la fois radieuse et abyssale. Fille de l'océan insondable, elle le porte en son sein avec la multitude étoilée qui peuple l'éternité. Elle ne le sait pas encore mais elle est enceinte du soleil, son tendre amant et cependant son enfant à venir, jeune dieu toujours ressuscité. Son innocence est sa protection, et le silence lui fait un voile dans lequel elle enveloppe sa sauvagerie scintillante, préservée. En elle, par elle, éprise de secrète alchimie, tout advient tandis qu'elle demeure à jamais, virginale, de ce côté des choses où tout est vie.

L'âme et le remède


Ne priez pas pour être guéris et ne regardez pas pour l´évidence d’un autre monde. Vous êtes l’âme et le remède pour ce qui blesse votre âme. 
Rûmi

jeudi 28 août 2014

Potentiel de l'Unitude


Je déclare: 

Que l'humanité est fondamentalement bonne et détient un potentiel illimité, et que la transformation sociale commence par la transformation personnelle. Je reconnais par conséquent l'importance de me connecter avec mon essence divine et ma sagesse intérieure tout au long de la quête spirituelle de ma vie, permettant ainsi aux meilleurs et aux plus hauts niveaux du potentiel humain de s'épanouir pour le bénéfice de tous.

Éloge de l'échec

La déception, le revers, l'échec sont d'excellents stimulants pour l'Éveil. Ils nous ramènent à la question des questions: quand je souffre, qui souffre ? Quand j'échoue, qui échoue ?

Pierre Feuga, Pour l'Éveil

Prière quotidienne


Écrire, parce que c'est ma façon de prier, de me rapprocher du cœur vibrant des choses, de prendre refuge en son silence, d'écouter sa tendre pulsation et de tirer au jour son sourire radieux comme un soleil amoureux de la lune.

mercredi 27 août 2014

Le temps est creux

Le temps est creux
    comme un vase percé   
    qu’il serait vain d’emplir.

Tout est tissé d’amour,   
    le plus souvent silencieux,   
    douloureux même.

L’instant ploie sous la pesée   
    du cœur et de l’âme :   

    je me laisse couler… avec cette lourdeur.

Fièvre antédiluvienne

Écrire est une façon d’apaiser la fièvre du premier matin du monde, qui revient chaque jour…

Christian Bobin

Le feu et la rose


Ici maintenant, vite, maintenant, toujours
Une condition de complète simplicité
(Ne coûtant pas moins que tout)
Et tout sera bien et
Toutes les choses seront bien
Quand les langues-flammes se reploieront
Dans le nœud de feu couronné
Et que le feu et la rose seront un.


T.S. Eliot, Quatre quatuors

mardi 26 août 2014

Bruit de pas


Cette vie n'est qu'un bruit de pas qui s'approchent de la fenêtre endormie de l'âme.

Christian Bobin, Une bibliothèque de nuages

Évidence de la voie

Le disciple demande:

- Qu'est-ce que la voie ?

Le maître répond:

- C'est la perception aigüe de l'évidence des choses.

Enseignement zen

lundi 25 août 2014

Rire révélateur


Quand l'homme noble entend parler de la voie, il l'embrasse avec zèle.
Quand l'homme moyen entend parler de la voie, il la discute, il en prend et il en laisse.
Quand l'homme inférieur entend parler de la voie, il éclate de rire.
S'il ne riait pas, ce ne serait pas la voie...

Tao-Te-Ching, a new version by Stephen Mitchell

Tendre diagnostic

Si tu étais une maladie, il n'y aurait qu'un seul symptôme pour te reconnaître et ce serait la joie, une joie brûlante comme le soleil d'été. Si tu étais une chirurgie, ce serait bien sûr à cœur ouvert pour laisser sortir la lumière.

Libération conditionnelle

La condition pour entrer dans la démarche est d’être fou. 
Hafiz, Diwan

dimanche 24 août 2014

Parfaite imperfection

Peut-être nous faudrait-il
apprendre que l’imparfait
est une autre forme de la perfection :
la forme que la perfection
    assume
pour pouvoir être aimée.


                Roberto Juarroz, poésie verticale

samedi 23 août 2014

Promenade solitaire

La solitude n'est pas le bout du chemin, elle en est le commencement. Le sentier s'ouvre, trop étroit pour s'y engager à deux de front. Il s'agit de se perdre car sinon, comment se retrouver ? Et soudain, quand il n'est plus personne, la promenade débouche dans l'illimité.

Illumination

Reflets sur la Tamise - Claude Monet

Un clochard londonien cherche un endroit où passer la nuit. Il a dû se contenter d'un croûton de pain en guise de repas. Comme il tombe un léger grésil, il s'enveloppe soigneusement dans son manteau loqueteux. Au moment où il est sur le point de s'endormir, une Rolls Royce s'arrête. Une belle jeune femme en descend et lui dit: « Mon pauvre homme, allez-vous vraiment passer la nuit sur la berge ? — Oui, répond le clochard. — Je ne puis supporter cela. Je vais vous emmener chez moi, où vous passerez la nuit après avoir pris un bon dîner. » 

La jeune femme presse le clochard de monter dans la voiture. Ils sortent de Londres et arrivent devant une immense résidence entourée de jardins. Un majordome leur ouvre la porte et la jeune femme lui dit: « James, je compte sur vous pour installer cet homme dans le quartier aux domestiques. Veillez à ce qu'il soit bien traité. » Ce que fait James.

Quelques temps après, la jeune femme, déshabillée et prête à se mettre au lit, se souvient soudain de son invité. Elle enfile une robe de chambre et emprunte un corridor pour se rendre au quartier des domestiques. Voyant passer un rai de lumière sous la porte de la chambre dans laquelle l'homme a été installé, elle frappe, entre et le trouve éveillé. « Que se passe-t-il, cher monsieur, n'avez-vous pas reçu un bon repas ? 
- Je n'ai jamais fait un meilleur repas de toute ma vie, madame. »
- Avez-vous assez chaud ?
- Oui, le lit est chaud et confortable.
- Peut-être avez-vous besoin de compagnie. Faites-moi donc une petite place... »
Sur ces mots, elle s'approche de lui. Alors, l'homme recule pour lui faire une place et tombe dans la Tamise.

Anthony de Mello rapporte cette histoire dans "Quand la conscience s'éveille". Son commentaire vaut la peine d'être médité:

Vous ne vous attendiez pas à cela, n'est-ce pas ? Illumination. Illumination. Réveillez-vous ! Lorsque vous serez prêt à échanger vos illusions pour la réalité, lorsque vous serez prêt à échanger vos rêves pour les faits, alors vous trouverez l'illumination. C'est alors que la vie prendra enfin un sens. C'est alors que la vie deviendra belle.

vendredi 22 août 2014

Réveil incendiaire

Une cloche inattentive sonne depuis le début du temps.

C’est un tocsin, une alarme inutile tandis que le matin prend feu.

À cet incendie, il n’est rien à opposer et tout s’offre à se laisser consumer.

Dans mon rêve, le réveil entonne un chant d’allégresse. Ma main, cherchant à le faire taire, ne rencontre que le vide.

Dans ce silence, soudainement rendu à lui-même, je me réveille tout à fait !

Désencombrement


Si l’œil n’est pas obstrué, on voit;
Si l’oreille n’est pas obstruée, on entend;
Si le nez n’est pas obstrué, on sent;
Si la bouche n’est pas obstruée, on goûte;
Si l’esprit n’est pas obstrué, on est sage;
Si le cœur n’est pas obstrué, on aime.
 
Anonyme

Le souffle du saint


Je me promenais dans les montagnes, j’y vis plusieurs infortunés, affligés de maladies, qui s’étaient réunis autour d’une grotte.
— "Que se passe-t-il ?" demandai-je.
— "Il y a ici un homme très pieux qui vit cloîtré, répondirent-ils. Il sort une fois l’an, répand son souffle sur les gens, et ils sont tous guéris. Puis il retourne dans sa grotte, et n’en ressort que l’année suivante."

J’attendis patiemment qu’il sorte. Et je vis un homme aux joues très pâles, décharné, les yeux cernés. Je tremblai de peur en le voyant. Il regarda la foule avec compassion. Puis il leva les yeux au ciel, et souffla plusieurs fois en direction des malades qui, tous guérirent.
Comme il allait se retirer dans sa cellule, j’attrapais un pan de son vêtement.
— Pour l’amour de Dieu, m’écriai-je "Vous avez guéri ce qui est dehors ; priez pour guérir ce qui est dedans."
— "De Dhu-l-Nun," at-il dit, en me regardant, "Lâchez-moi. L’Ami regarde depuis le sommet de sa grandeur et de sa majesté. S’Il vous voit vous attacher à un autre que Lui, Il vous abandonnera à cette personne, et cette personne à vous, et vous périrez chacun dans la main de l’autre."

Il se retira sur ces mots.

Traduction par Michèle Le Clech de l’extrait de Farîd ud-Dîn ‘Attâr, Muslim Saints and Mystics, p 93-94, quoted by Llewellyn Vaughan-Lee in Catching the Thread. Vous pouvez retrouver ce texte à l'adresse suivante: http://carnetsdereves.wordpress.com/2014/08/21/le-souffle-du-saint, et beaucoup de savoureuses nourritures pour l'âme sur les Carnets de rêve.

jeudi 21 août 2014

Réalité absolue


D’emblée, situes-toi hors de la progression spirituelle,
Hors de la contemplation,
Hors du discours habile,
Hors de la recherche,
Hors de la méditation sur des divinités,
Hors de la concentration et de la récitation des textes.

Quelle est, dis-moi, la réalité absolue
Qui ne laisse place à aucun doute ?

Écoute bien !

Cesse de t’accrocher à ceci ou cela
Et, résidant dans ta vraie nature absolue,
Jouis paisiblement de la réalité du monde.

Abhivanagupta (Xème siècle)

Si je devais

Si je devais arriver quelque part, il est bien certain que je suis déjà en retard. Si je devais réussir quelque chose, il est clair que j’ai échoué avant de commencer. Si je devais devenir quelqu’un, il est temps de me rendre à l’évidence : je ne puis être que moi.

mercredi 20 août 2014

Jeux d'ombre


J'ai appelé mon ombre et je lui ai demandé de me suivre pas à pas, de me précéder parfois quand j'avance dans le noir, de me faire la grâce de son amitié. Elle était inquiète encore, rétive et toute sauvage, me laissant humer son parfum de forêt, son haleine de fauve, mais fuyant à mon approche. Elle craignait que je la domestique, que je l'envoie se laver pour la civiliser. Cela m'a pris longtemps pour la rassurer, la convaincre que je n'avais pas d'autre projet que de l'aimer. Il a fallu que je lui parle doucement comme à une jeune fille effarouchée, que j'accepte ses caprices et que je souris à ses colères démesurées. 

Il m'est arrivé de pleurer sans rien dire dans la nuit parce que je croyais qu'elle m'avait quitté; pauvre fou que j'étais, elle se tenait dans l'obscurité qui m'enveloppait et souriait à son tour. C'est alors seulement qu'elle s'est rapprochée et qu'elle est venue, au petit matin, m'embrasser dans le cou. Depuis, nous sommes inséparables. Bien souvent, les gens nous confondent; ils me prennent pour l'ombre parce que je me retire dans le silence, tandis qu'elle s'en donne à cœur joie de jouer à vivre.

« L'ombre a tant été aimée qu'elle est devenue clarté. »

L'ombre et le chaman


L’ombre était vraiment comme une femme amoureuse. Elle m’a dit : « Désire-moi, Luis. Chaque fois que tu me désireras, je viendrai. J’obscurcirai tes contours. Je ferai de toi un homme inaperçu, je protègerai ton travail, tes plaisirs, ton être. Je t’aiderai aussi à te tenir éveillé. La lumière endort la vigilance. Moi, l’ombre, je la ravive sans cesse. La lumière efface la profondeur. Moi, l’ombre, je suis sans fond. N’oublie pas, Luis. Quand tu es en moi, la lumière, c’est toi. Chaque fois que tu le voudras, je te laverai de tes certitudes paresseuses, je t’apprendrai à dire « encore, encore, encore », et je t’entraînerai toujours plus loin dans les mystères de la vie. »
Henri Gougaud, les sept plumes de l'aigle

mardi 19 août 2014

Pratique de la lenteur

Patience, silence, lenteur et profondeur, voilà tout ce qui manque à notre monde, épris de sa propre folie, pour trouver le centre autour duquel il gravite, qui lui prête vie.

Douce obscurité


Lorsque tes yeux sont fatigués
Le monde aussi est fatigué.


Lorsque ta vision s’en est allée
Aucune partie du monde ne peut te trouver.
Il est temps d’aller dans l’obscurité.
Là où la nuit a des yeux pour reconnaître 
Ce qui lui appartient.
 

Là tu peux être sûr 
Que tu n’es pas au-delà de l’amour.

L’obscurité t’accueillera en son sein.
 

La nuit te donnera un horizon plus lointain 
Que ce que les yeux peuvent atteindre.

Tu dois apprendre une chose,
Le monde a été créé pour que tu y soit libre

Abandonne tous les autres mondes sauf celui auquel tu appartiens
Cela demande de l’obscurité et le doux enfermement de ta solitude
Pour apprendre

Tout être ou toute chose qui ne te rend pas vivant

Est trop étroit pour toi.


David Whyte - sweet darkness (traduction adaptée à partir de: http://www.ressources.be/poemes)

lundi 18 août 2014

Vérité sans chemins


Peut-être vous souvenez-vous de l'histoire de la conversation que le diable a eue avec un ami, quand ils ont vu devant eux un homme s'arrêter, ramasser quelque chose par terre, le regarder puis le mettre dans sa poche.

Son ami dit au diable : " Qu'est-ce que cet homme a ramassé ?

– Il a trouvé un morceau de Vérité, lui répondit le diable.

– Alors ce n'est pas bon pour tes affaires.

– Mais si, je vais le laisser l'organiser. "

La Vérité est un pays sans chemins, que l'on ne peut atteindre par aucune route, quelle qu'elle soit : aucune religion, aucune secte.


Jiddu Krishnamurti (extrait du discours de dissolution de l'Ordre de l'Étoile).

En marchant se construit le chemin



Marcheur, ce sont tes traces
ce chemin, et rien de plus ;
Marcheur, il n'y a pas de chemin,
Le chemin se construit en marchant.
En marchant se construit le chemin,
Et en regardant en arrière
On voit la sente que jamais
On ne foulera à nouveau.
Marcheur, il n'y a pas de chemin,
Seulement des sillages sur la mer.


Marcheur, il n'y a que tes pas,
Pour faire le chemin où tu vas,
Marcheur, il n'est pas de chemin,
Que celui que tes pas vont faire.
Et quand tes pas font le chemin,
Jamais plus tu n'emprunteras
Le sillon qui déjà s'efface,
Lorsque tu regardes en arrière
Marcheur, il n'est pas de chemin,
Mais des sillages sur la mer.


Antonio Machado

dimanche 17 août 2014

Au bout de nulle part


Je suis allé au bout de nulle part. J'ai tourné à gauche puis à droite après quelques pas à reculons, et enfin je suis descendu verticalement en tournant sur moi-même et en fermant les yeux. Je suis maintenant complètement perdu, je ne sais vraiment pas où aller. C'est exactement ce que je préméditais. Il n'y a pas d'autre moyen de se rendre au centre immobile des choses pour solliciter une audience auprès de celui qui n'existe pas, mais qui est indubitablement et se tient là, au cœur rayonnant du silence.

J'ai dit à mon âme

Voir ci-dessous la version originale de ce poème de T. S. Eliot, dont voici d'abord ma traduction:

J'ai dit à mon âme, reste immobile et attends sans espoir
Car l'espoir serait un espoir pour la mauvaise chose ; attends sans amour
Car cet amour serait un amour pour le mauvais objet ; il y a encore de la foi
Mais toute la foi, l'amour et l'espoir sont dans l'attente.
Attends sans pensées, car tu n'es pas prêt pour la pensée :
Alors l'obscurité deviendra la lumière, et l'immobilité sera la danse.

Pour arriver à ce que tu ne connais pas
    Tu dois aller par un chemin qui est la voie de l’ignorance.
Pour obtenir ce que tu ne possèdes pas
    Tu dois aller par la voie de la dépossession.
Pour arriver à ce que tu n’es pas
    Tu dois passer par cette façon dans laquelle tu n’es pas.
Et ce que tu ne sais pas est la seule chose que tu sais
Et ce qui t’appartient est ce qui ne t’appartient pas
Et là où tu es est ce lieu où tu n’es pas.


I said to my soul, be still and wait without hope
For hope would be hope for the wrong thing; wait without love
For love would be love for the wrong thing; there is yet faith
But the faith and the love and the hope are all in the waiting.
Wait without thought, for you are not ready for the thought:
So the darkness shall be the light, and the stillness the dancing…

In order to arrive to what you don’t know
    You must go by a way which is the way of ignorance
In order to possess what you do not possess
    You must go by the way of dispossession.
In order to arrive to what you are not
    You must go through the way in which you are not.
And what you do not know is the only thing you know
And what you own is what you do not own
And where you are is where you are not.

T. S. Eliot, Four Quartets (extrait)

samedi 16 août 2014

Brillante image

Un jour le soleil a admis:

Je suis juste une ombre.
J'aimerais tant pouvoir te montrer
L'Infinie Incandescence

Qui a projeté ma brillante image !

J'aimerais tant pouvoir te montrer, 
Quand tu es seul ou dans l'obscurité,

La Lumière étonnante

De ton propre Être!
Hafiz de Chiraz, in "I heard God Laughing" par Daniel Landinsky (ma traduction)

Ombre dansante


Je marche avec ma névrose main dans la main, escorté par la cohorte de mes doutes. Mes vieux amis, chaos et confusion, ouvrent la route. J'ai bien songé à m'enfuir en courant mais ils détiennent mon ombre en otage; il faudrait m'amputer de ce qu'il y a en moi de plus vivant, du sauvage, de la proximité avec l'eau vive, les arbres muets et les enfants rêveurs. Alors j'en prend mon parti et voilà que nous descendons joyeusement la grande rue pour aller danser tous en rond au clair de lune. L'ombre sourit; bien sur, c'est elle qui a tout manigancé mais qui pourrait lui en vouloir ?

vendredi 15 août 2014

Coeur soleil

Quand il aime, l’homme est un soleil qui voit et transfigure tout; quand il n’aime pas, il est cette chambre sombre où se consume un lumignon fumeux.
Hölderlin

jeudi 14 août 2014

Gestation des possibles

Aujourd'hui je marche du côté sombre du jour. J'entrevois son versant secret où la clarté se fait discrète, presque tendre. Je descends dans le creux des mots, où niche patiemment le silence. Je m'étonne de ma propre absence - où suis-je donc passé ? Comment ai-je fait pour me perdre ? Enfin, j'embrasse le chaos et la confusion comme deux vieux amis avec qui je renoue. C'est dans l'intimité de ces retrouvailles, dans cette obscurité où je ne me distingue plus moi-même, que s'opère la gestation des possibles, souveraine alchimie.

Fil d'or


Notre devoir le plus impérieux est peut-être de ne jamais lâcher le fil de la Merveille. Grâce à lui je sortirai du plus sombre des labyrinthes.

Christiane Singer

mercredi 13 août 2014

De l'autre côté des choses

Il n’existe rien de tel comme ce qu’on appelle le réel, sinon la boursouflure d’un œil qui se prend pour le monde. Enraciné dans le souffle du vent, je me tiens de l’autre côté des choses...

Belle preuve


La beauté est la preuve de l’existence de Dieu.

Osho

Réalisation

Ils me font rire, tous ceux qui parlent de « réalisation ». C’est une histoire d’amour ! Dans l’amour, il n’y a personne qui « réalise » quoi que ce soit ; il n’y a que le miracle d’être en vie, d’être conscient, d’aimer. C’est bien suffisant.

mardi 12 août 2014

Aveu sans détour

Je l'avoue, camarade, je t'ai encouragé sur le chemin et t'y encourage toujours, sans savoir le moins du monde si nous allons gagner ou serons, finalement, totalement vaincus et défaits.

Walt Whitman

Bouche d'ombre

La nuit prend voix, tantôt grinçante, tantôt chuchotante, pour démentir le triomphe de ceux qui avancent masqués de lumière pour mieux fossoyer l'innocence. Les néons clignotent, les projecteurs dansent sur les boulevards avides - the show must go on ! Quand le rideau retombe enfin, il ne reste que la vérité brûlante des solitaires insomniaques pour souffler sur la braise ardente de nos rêves. Heureusement, l'essentiel n'est jamais perdu. Il se tient coi, tranquille et ignoré du grand nombre, jusqu'à ce que le silence patient accouche d'une nouvelle aube, vengeresse.

(dédié à Christiane Riedel)

Attirer l'attention


Un paysan vint trouver le mulla Nasrudin pour lui demander conseil. Il avait un âne paresseux qui refusait le licol et il désespérait de parvenir à le mettre au travail. Le mulla lui recommanda de lui donner beaucoup d'amour. Le paysan aménagea l'étable pour en faire un palace et donna à son âne la meilleure avoine ainsi que de l'eau fraiche. Rien n'y fit, l'âne persistait à braire sans comprendre ce qu'on attendait de lui. Quand le paysan croisa à nouveau le mulla sur la place du marché, il lui en donna des nouvelles, et cette fois, le sage lui proposa de l'accompagner pour aller parler à son âne. En chemin, il ramassa un beau madrier qu'il tint derrière son dos jusqu'à ce qu'il soit présenté à l'animal, et lui en assena alors un grand coup derrière l'oreille. Le paysan s'exclama:

- Mais tu m'as dit de lui donner beaucoup d'amour !?

Le mulla répondit, souriant:

- Oui, mais auparavant, il faut attirer son attention...

lundi 11 août 2014

Fous essentiels

Il y a des fous tellement fous que rien ne pourra jamais leur enlever des yeux la jolie fièvre d'amour. Qu'ils soient bénis. C'est grâce à eux que la terre est ronde et que l'aube chaque fois se lève, se lève, se lève.
Christian Bobin, Tout le monde est occupé

Sang lumineux

La poésie est ce sang lumineux qui coule dans les veines de l'Être. Il n'y aurait rien sans la gratuité irrémédiable de la caresse de l'air, du chant insouciant des oiseaux, des jeux des enfants. C'est à cette source que boivent les amants quand ils se perdent l'un dans l'autre. C'est là, mon ami, que se trouve le seul remède à la pesanteur de la nuit, à l'insoutenable difficulté parfois de vivre.

Accident


L'illumination est un accident. La pratique renforce la probabilité d'un accident.

Proverbe zen

dimanche 10 août 2014

Éclipse souriante

Derrière le soleil, il y a un gouffre obscur. Il s'y repose, s'y détend, et toujours risque de s'y laisser absorber. Quand il y meure, c'est pour mieux renaître à chaque fois. Il s'y régénère en s'y perdant, s'y retrouve en s'abandonnant.

Une divine invitation


Tu as été invité à rencontrer l'Ami.

Personne ne peut résister à une invitation divine.

Cela restreint nos choix à seulement deux possibilités:

Nous pouvons aller au Divin habillé pour danser,

Ou

En étant portés sur une civière à l'Hôpital Divin.

Hafiz de Chiraz, in "I heard God Laughing" par Daniel Landinsky (ma traduction)

samedi 9 août 2014

Aucun raccourci

Le monde est à traverser en pleine conscience. 

Il n’y a aucun détour, aucune autre voie, aucun raccourci.

Daniel Odier, Tantra

Omniprésence du centre

Les enfants jouent
            et leurs cris réjouissent l’univers entier.

La lumière danse
            à la surface de l’eau mouvante.

Où est le point d’immobilité ?

Tu es convié(e)


L'amour ne connait qu'un seul but quand il te rencontre : lui-même. Venir au monde encore une fois à travers toi. Se donner au monde à travers toi une chance de plus. Tu es convié(e) à aimer et à servir pour que sur terre soient l'amour et le service.

       Tu es convié(e).
       Tu n'es pas même obligé(e).
       Un simple service d'honneur.
       Voilà tout.
       Ni plus mais ni moins.

Christiane Singer, Éloge du mariage, de l'engagement, et autre folie

vendredi 8 août 2014

Tous des enfants

Parce que nous avons tous été des enfants et que nous mourrons tous, je voudrais être bon avec chacun.
Christian Bobin, le Christ aux coquelicots

Ronds de fumée


Les volutes qui s'envolent vers le soir dessinent une spirale dansante, ou est-ce un mandala ? Ah oui, le mandala de mon désir, bien sûr, de relier la terre au ciel, de tenir ensemble le bas et le haut. C'est une prière, toujours, qui monte avec l'ambition de taquiner les nuages et se dissout en chemin. La fumée n'obscurcit pas l'immensité de l'espace, tout au plus la colore-t-elle d'impermanence.

Merci pour tout


Il y a cent cinquante ans vivait une femme nommée Sono, dont la dévotion et la pureté de cœur était grandement respectée. Un jour, un étudiant Bouddhiste, qui avait un long voyage pour la rencontrer, lui demanda: "que puis-je faire pour mettre mon cœur au repos ?" Elle répondit: "Chaque matin et chaque soir, et à chaque fois qu'il t'arrive quelque chose, répète simplement: merci pour tout, il n'est rien dont je puisse me plaindre." L'homme fit ce qu'elle lui avait suggéré pendant une année entière, mais son cœur ne trouvait pas encore la paix. Il retourna voir Sono, découragé. "J'ai dit votre prière encore et encore, mais rien n'a encore changé dans la vie; je suis toujours le même égoïste qu'auparavant. Qu'est-ce que je devrais faire maintenant ?" Sono répondit immédiatement: "Merci pour tout, il n'est rien dont je puisse me plaindre". En entendant ces mots, l'homme ouvrit son oeil spirituel et retourna chez lui dans une grande joie.

Histoire japonaise racontée par Stephen Mitchell en commentaire du Tao-Te-Ching, tirée du livre de Zenkei Shibayama Roshi, A Flower does not talk.

jeudi 7 août 2014

Hurlements maniaques

Nous devrions nous en tenir à un discours spirituel simple aujourd'hui:

Dieu essaye de te vendre quelque chose.
Mais tu ne veux pas acheter.

C'est là tout ce qu'il y a dans ta souffrance:

Ton formidable marchandage,
Tes hurlements maniaques à propos du prix !

Hafiz de Chiraz, in "I heard God Laughing" par Daniel Landinsky (ma traduction)

Eau noire


Chaque matin, je remonte un plein seau d'eau noire des profondeurs de la nuit. Souvent, j'observe des étoiles semblant danser à la surface; elles dessinent des arabesques de couleurs jamais vues dans mon ciel intérieur. Je bois l'eau noire jusqu'à la lie tandis qu'à mesure se dissipe lentement la procession des ombres. Ainsi, chaque matin, le jour échappe aux griffes des vains fantômes pour renaître à nouveau, nu et libre, lumineux.

Action juste

Aurez-vous la patience d'attendre
Jusqu'à que votre boue se dépose
Et que l'eau redevienne claire ?

Aurez-vous le courage de rester immobile
Jusqu'à ce que l'action juste émerge d'elle-même ?


Tao-Te-Ching, a new english version by Stephen Mitchell (ma traduction)

mercredi 6 août 2014

Oeuf de cendres

Et lorsque tu regarderas en  toi, tu le verras, l'enfant dans son œuf de cendres, celui que mes larmes ont conçu, celui que mon sang achèvera de parfaire.

L'enfant broyé par une roue solaire, étourdi par la soudaine nostalgie de tout.

Christian Bobin, Le baiser de marbre noir

Joie d'être

Rien à faire, nulle part où aller.

Koan Zen.

Anthropophagie

Voici le temps du dernier homme. Il se dévore lui-même. Il cuit à petit feu au bureau, à l'usine, en tous ces lieux où la vie racornit à force de se perdre à se gagner. Il se découpe en morceaux jacassants qui gisent épars sur la tombe de ses rêves, chaque matin assassinés. Il remplit le vide qu'il est d'images mortes qui dansent sur des écrans désespérément plats. De l'homme, il ne reste plus rien qu'un regard d'enfant perdu flottant dans l'air, hypnotisé, absorbé par un spectacle dont il est absent.

mardi 5 août 2014

L'arc-en-ciel de ton regard

Où es-tu ? Qu'est-ce qui me vaut cet océan de silence qui nous sépare désormais ? Je te cherche partout. Je crois te reconnaître parfois dans un sourire, un reflet de soleil, une gentillesse — je lève les yeux, pour constater aussitôt que ce n'est pas toi, que tu t'es déjà enfuie. Alors je marche en aveugle dans les rues; je garde vivante en moi l'image de la source vive que sont tes lèvres. J'attends patiemment qu'elles me délivrent l'oracle qui me libèrera.

Où es-tu ? J'ai besoin du pont que m'offre l'arc-en-ciel de ton regard pour traverser la nuit.

La substance de la création


Je vous le jure. Quand il n'y a plus rien, il n'y a que l'Amour. Il n'y a plus que l'Amour. Tous les barrages craquent. C'est la noyade, l'immersion. L'amour n'est pas un sentiment, c'est la substance même de la création.

Christiane Singer, Derniers fragments d'un long voyage.

lundi 4 août 2014

Débâcle


Claude Monet - la débacle

Vous êtes rentré fatigué du monde gris des marchands. Vous avez fumé les couleurs du soir. Vous vous êtes égaré un moment sur l’océan virtuel des nouvelles qui n’ont rien de nouveau. Toute cette agitation ne sert à rien, vous le savez bien – rien n’arrêtera le silence qui progresse en vous comme fêlure insensible de la glace du fleuve avant la débâcle qui emportera la nuit.

Intelligence

L’intelligence n’est pas de se fabriquer une petite boutique originale. L’intelligence, c’est d’écouter la vie et de devenir son confident.
Christian Bobin, La Dame blanche