samedi 31 janvier 2015

L'autre rive

Écrire, toucher du doigt la voûte céleste du silence, le ciel bas du langage, écrire. La conscience de ces choses est obscure. On dirait que les mots dépérissent, qu'ils manquent d'un signe d'air ou de feu, et voilà, on est déjà sur l'autre rive, sauvé. En proie sans réserve à l'épiphanie du regard.
Christian Bobin

vendredi 30 janvier 2015

Exercice essentiel

Je crois que la seule chose censée à faire est d’aimer, de s’exercer jour et nuit à aimer de toutes les manières possibles. Nous finirons tous acculés par l'amour.

Christiane Singer

mercredi 28 janvier 2015

Âme rassasiée

J'étais mort, je devins vivant
       j'étais pleurs, je devins rires.
Le règne de l'amour est venu
       et mon règne devient éternel.
J'ai le regard rassasié
       et j'ai l'âme courageuse.
J'ai le courage des lions
       je devins Vénus éclatante.
Il me dit : tu n'es pas fou
       tu n'es pas digne de cette maison.
Je partis, je devins fou
       je devins lieur de chaînes
Il me dit : tu n'es pas ivre, va !
       tu ne fais pas parti de cette bande.
Je partis, je devins ivre
       et d'allégresse rempli.

Rûmi

mardi 27 janvier 2015

Lamentation des morts


Mémoire, mémoire brûlante, pourquoi ne dors-tu pas ? Qu'est-ce qui te tient éveillée ainsi dans la nuit qui s'appesantit ? J'entends ton murmure sourd qu'on ne saurait taire, le grondement de ton râle dans le vent qui gémit. Tu dis l'errance des fantômes gris décharnés qui habitent l'envers de notre temps, en quête d'une sépulture dans la terre riche de nos cœurs endormis. Hélas, Dieu est mort à Auschwitz ! Il avait le regard clair d'une jeune fille éprise de la vie, la tendresse d'une mère désespérée de serrer contre son sein un corps à jamais glacé, le souffle rauque d'un homme qui attend la fin comme une miséricorde, des douleurs articulaires dues à son grand âge, et bien sûr, ton sourire qui demeure et renait toujours, comme soleil perçant enfin la cendre de notre indifférence.

lundi 26 janvier 2015

Bambous dans le vent


Un moine interrogea Ts'ui Wei sur la signification du zen.
- Attends qu'il n'y ait plus personne autour, alors je te le dirai.
Un peu plus tard, n'y tenant plus, le moine s'approcha à nouveau de Ts'ui Wei :
- Il n'y a plus personne, de grâce éclairez-moi.
Ts'ui Wei le conduisit alors dans le bosquet de bambous et, une fois qu'ils y furent arrivés, ne dit rien. Comme le moine ne comprenait pas et insistait, Ts'ui Wei enfin lui confia:
- Certains bambous sont grands, d'autres sont petits. 

Ts'ui Wei (IXème siècle), Traité de la transmission de la lampe

dimanche 25 janvier 2015

Mise à nu

Image trouvée ici.
Ne plus te chercher
ni en toi
ni en moi
Abandonné
Au battement solidaire
entre deux abîmes
La vie promise
La vie donnée
Au plus obscur de l'heure
du lieu
Au plus insu
de soi

François Cheng

samedi 24 janvier 2015

Oeuf du temps


Le passé est un œuf cassé, l’avenir est un œuf couvé.
Le présent, c’est mon cœur.
Le rythme de mon cœur est un rythme éternel.


Paul Éluard

Virginité du jour


La ville est toute neuve ce matin, encore endormie dans son grand manteau de neige. Elle est lavée des soucis de la nuit par la clarté qui fait pâlir le ciel à l'horizon. Je me tiens là, sans attentes devant le jour nouveau qui se présente dans sa nudité; me voici soudain en terre irrémédiablement étrangère, inexplorée.

jeudi 22 janvier 2015

Nouveauté quotidienne


L'arbre est devant la fenêtre du salon. Je l'interroge chaque matin: « quoi de neuf aujourd'hui ? » La réponse vient sans tarder, donnée par des centaines de feuilles : « Tout. »

Christian Bobin

mercredi 21 janvier 2015

Ça crée...

Beaucoup de gens parlent du "sacré", s'emplissent la bouche avec ce "gros mot". Il est bon d'écouter et de ré-écouter ce qu'en disait Christiane Singer...



Christiane Singer : dire "oui" au sacré de la vie

Le vol d'un oiseau

Photo Danielle Bouchard - tous droits réservés
L'esprit de l'homme est nomade, son sang Bédouin, et l'amour est le traqueur aborigène sur la pale trace de son être perdu; c'est ainsi que j'en vins à vivre ma vie non selon un plan conscient ou un dessein pré-arrangé mais comme quelqu'un suivant le vol d'un oiseau.

Laurens Van der Post

mardi 20 janvier 2015

Tournez manège

C'est la ronde sans fin des opinions véhémentes qui tournent en rond dans leur propre vide en se justifiant les unes les autres. Les petits chevaux de la haine galopent, enfourchés par des fous qui se prennent pour des chevaliers et poursuivent leur ombre. J'éprouve vertige et nausée à les écouter s'invectiver ; tout ce tumulte ne saurait emplir le silence qui règne dans mon cœur. Je me tiens au centre de la roue avec un sourire pour chacun car je peux deviner derrière chaque masque grimaçant un enfant en proie à son propre cauchemar.

lundi 19 janvier 2015

Dix commandements de Osho


On a demandé à Osho ses dix commandements. Voici ce qu'il a répondu:

Amour.

Vous avez demandé mes Dix Commandements. C'est très difficile car je suis contre tous les commandements. Mais pour le plaisir, je déclare ceci:

1. N'obéissez à aucun ordre à moins qu'il vous vienne du dedans.

2. Il n'y a pas d'autre Dieu que la vie elle-même.

3. La vérité est à l'intérieur, ne cherchez pas ailleurs.

4. L'amour est prière.

5. La vacuité est la porte de la Vérité. La vacuité est le moyen, la destination, la réalisation.

6. La vie est ici et maintenant.

7. Vivez pleinement éveillé.

8. Ne nagez pas, flottez.

9. Mourez dans chaque instant, de façon à renaître à neuf dans chaque moment.

10. Ne cherchez pas : ce qui est, est. Arrêtez-vous et regardez.

Osho, 11 décembre 1931 - 19 janvier 1990


samedi 17 janvier 2015

La figure dans la pierre

La vie. Elle est si loin, elle est si proche. Elle est en nous comme la figure dans la pierre de taille. Il faut les coups du sculpteur pour l'extraire. Il faut la brutalité radieuse d'un amour ou d'une petite mort, assoupie quelque part dans les plis du sang. La beauté suspendue dans le grain de l'air heurte un jour la beauté qui rêve au-dedans de nous, et c'en est fini, et tout commence : plus rien ne nous sépare de rien. Tout est comme au premier matin du monde : donné. 
Christian Bobin, L'homme du désastre.

vendredi 16 janvier 2015

Tombe dans le cœur

Lorsque nous sommes morts, ne cherchez pas notre tombe dans la terre, mais trouvez là plutôt dans le cœur des hommes.

Rûmi

jeudi 15 janvier 2015

Identification

Le mulla Nasrudin entra dans une banque pour encaisser un chèque. Le guichetier lui demanda alors s'il pouvait s'identifier. "Oui, bien sûr, je le peux..." répondit le mulla en sortant un miroir de sa poche et en s'y scrutant sous tous les angles avant d'ajouter: "oui, c'est tout à fait moi".
Idries Shah, les subtilités de l'inimitable Mulla Nasrudin

mercredi 14 janvier 2015

Tristesse sans masque


Votre joie est votre tristesse sans masque.
Et le même puits d'où jaillit votre rire a souvent été rempli de vos larmes.

Comment en serait-il autrement ?
Plus profonde est l'entaille découpée en vous par votre tristesse, plus grande est la joie que vous pouvez abriter.


Khalil Gibran

Lampe ardente

En secret sous le manteau noir
De la Nuict, sans être apperçeuë
Où que je puisse apercevoir
Aucun des objects de la veuë
N'ayant ny guide, ny lueur,
Que la lampe ardente de mon cœur.

Saint Jean-de-la-Croix

mardi 13 janvier 2015

Religion de l'Amour

Mon cœur est devenu capable
D’accueillir toute forme.
Il est pâturage pour gazelles
Et abbaye pour moines !
Il est un temple pour idoles
Et la Ka’ba pour qui en fait le tour,
Il est les tables de la Thora
Et aussi les feuillets du Coran !
La religion que je professe
Est celle de l’Amour.
Partout où ses montures se tournent
L’amour est ma religion et ma foi.
 
Ibn Arabî

lundi 12 janvier 2015

Retour sur soi-même

C'est la seule solution, vraiment la seule, Klaas, je ne vois pas d'autre issue : que chacun de nous fasse un retour sur lui-même et extirpe et anéantisse en lui tout ce qu'il croit devoir anéantir chez les autres. Et soyons bien convaincus que le moindre atome de haine que nous ajoutons à ce monde nous le rend plus inhospitalier qu'il n'est déjà.

Etty Hillesum, 1943 Camp de Westerbork

dimanche 11 janvier 2015

Ni de l'Est ni de l'Ouest


Ni Chrétien ni Juif ou Musulman, ni Hindou, Bouddhiste, Sufi, ou Zen.
Ni aucune religion ou système culturel.
Je ne suis pas de l’Est ou de l’Ouest, ni tiré de l’océan ou du sol, ni naturel ni éthérique, ni composé de quelques éléments que ce soit. Je n’existe pas, je ne suis pas une entité dans ce monde ou dans le prochain, je ne descends pas d’Adam et Ève ni d’aucune histoire à propos d’une origine.
Ma place est sans lieu, une trace de ce qui est sans trace. Ni corps ni âme.
J’appartiens au bien-aimé,
J’ai vu les deux mondes comme un seul et celui-ci appelle à lui et connait,
Premier, dernier, extérieur, intérieur, seulement ce souffle respirant l’être humain.

Djalal ad-Din – Rumi مولانا جلال الدين

Répondre à la vie


Écrire est une façon de répondre à la vie. On a toujours besoin de répondre à un don par un autre don, non pour être quitte, mais pour continuer à donner et recevoir, sans fin.

Christian Bobin

vendredi 9 janvier 2015

Foi dans l'indicible

La foi est non-dualité
La non-dualité est la foi
En ce qui est indicible.
Passé et avenir ne sont-ils pas
Un éternel présent.
Shidjin-mej

jeudi 8 janvier 2015

Funambule de l'amour


Il y a l'ombre et puis il y a la lumière. Il y a surtout leurs jeux amoureux quand ils se mêlent dans le clair-obscur jusqu'à ce qu'on ne puisse plus les distinguer. On appelle cela aube quand c'est un début, crépuscule quand c'est une fin, mais la fin est toujours le début d'autre chose - un crépuscaurore ?

Il y a la souffrance et puis il y a la joie, le rire qui suit les larmes, et tout le bien qui finit par ressortir du mal tandis que mon cœur balance sur le fil de l'amour, qui se cherche, qui se cherche...


mardi 6 janvier 2015

Espace de l'amour

Le fleuve de lumière - Frederic Edwin Church (1877)
J'avoue avoir été abandonné
Et j'avoue même
Avoir abandonné ce que j'aimais
Au cours des années tout s'est ordonné
Comme un ensemble de lueurs
Sur un fleuve de lumière
Comme les voiles des vaisseaux
Dans le beau temps protecteur
Comme les flammes dans le feu
Pour établir la chaleur

Au cours des années je t'ai retrouvée
O présence indéfinie
Volume espace de l'amour

Multiplié
Paul Eluard

lundi 5 janvier 2015

dimanche 4 janvier 2015

Fin de l'exploration

Nous ne devons jamais cesser d'explorer
Et à la fin de l'exploration
Nous arriverons là où nous avons commencé 
Et nous verrons cet endroit pour la première fois.
Et à travers l'inconnu de cette porte,
Ce qui restera de la Terre à découvrir
Sera ce qui était au commencement.
T.S. Eliot, Four Quartets

samedi 3 janvier 2015

Forme sans forme


Quelles que soient les formes
Il y a toujours mieux.
S'il y a toujours mieux,
Aucune n'est ma bien-aimée.
Chasse hors du cœur
Toutes les formes !
Afin d'obtenir enfin
La forme sans forme.
Rûmi

vendredi 2 janvier 2015

Entre vos mains


Je ne sais quel vent j'aurais dans ma voile
Je ne sais quel jour on m'appellera
Mais en attendant je taille la toile
Je marche à l'étoile sans compter mes pas

Je ne sais quel feu lavera mon âme
Quelle nuit d'été quel matin d'hiver
Mais pour vivre un peu je laisse une flamme
Veiller sur la trame du temps que je perds

Mon âme tremble entre vos mains
Et mon chemin vous ressemble

(...)
Gilles Vigneault, Entre vos mains
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