mardi 22 juin 2021

La courbe de tes yeux


La courbe de tes yeux fait le tour de mon cœur,
Un rond de danse et de douceur,
Auréole du temps, berceau nocturne et sûr,
Et si je ne sais plus tout ce que j'ai vécu
C'est que tes yeux ne m'ont pas toujours vu.

Feuilles de jour et mousse de rosée,
Roseaux du vent, sourires parfumés,
Ailes couvrant le monde de lumière,
Bateaux chargés du ciel et de la mer,
Chasseurs des bruits et sources des couleurs,
Parfums éclos d'une couvée d'aurores
Qui gît toujours sur la paille des astres,
Comme le jour dépend de l'innocence
Le monde entier dépend de tes yeux purs
Et tout mon sang coule dans leurs regards.

Paul Eluard


lundi 21 juin 2021

Dans la main du Grand Amant


Je m'en reviendrai,
avec ma musette pleine de larmes, de livres et de rêves.
Et à mon tour je dévorerai l'Inconnu
dans une ineffable et éternelle étreinte.

Je m'en viendrai avec la souvenance des paysages et des peuples.
Chanteront les mers, danseront les galaxies, tressailliront les peuples.

Donner, se donner.

Nous sommes tous dans la main du Grand Amant
et les premiers balbutiements de notre adoration
sont les premiers moments de notre dignité.

Xavier Grall

vendredi 18 juin 2021

Hommage à Serge Bouchard (bis)


Porté par la voie boréale
celle des grands vents
les vents du Nord
qui font pencher les Pôles
caressent les banquises
nous ramassent dans nos peaux de bête
guettant l'accalmie qui ouvrira le chemin

Nous vivons de chasse et de pêche
d'arc et de filet
d'air pur et de forêt
de glace  de feu
de sentiers  de voie lactée
de flèches  de trajectoires
de cercles de parole et de silence

Nous survivons à l'hiver
à l'isolement  à la pollution
à la bosse du porteur

Nous rêvons la chasse
nous ramons la rivière
nous marchons la nuit
nous marchons le jour
toujours nous marchons la terre sacrée

Le jour où la nuit n'est plus
qu'à l'autre bout du monde

Combien de jours sans nuits
combien de nuits étoilées

Nous tressons ainsi l'infini
de babiche de wapiti de cerf
de chair  d'os  de cendre

Sauvage
l'alchimie sauvage des paysages
toundra épinettes noires mélèzes
alliance et métissage des esprits

Fonte des mémoires dans l'œil
du Québec

Innus Inuits
Inukshuk Inuktitut
dans tes geste et ta parole
par tes chants et tes danses
je m'imprègne de la sagesse du Caribou blanc
de la confiance de la Souris verte
je m'inspire de la réflexion de l'Ours noir
je pressens la paix de l'Aigle solaire

Je dépose ici ma plume sur la pierre
où est gravé ton nom
sous l'arbre où tu reprends racine

Ami anthropologue je te dis
Nakurmik

Cygne blanc

vendredi 4 juin 2021

Hommage à Serge Bouchard


L’homme qui a vu l’homme qui a vu la Grande Ourse par les détours de sentier des étés sans fin.

Il nous a quittés pour le village de la Grande Ourse, l’homme qui a vu les hommes des authentiques témoignages des actes de leur vie. Ces véritables; parfois de simples natifs tendus vers nous dans les bras de Mère nature comme des fleurs de justesse, parfois des fondatrices et des fondateurs qui prenaient la mesure de nos vastes contrées non encore souillées par l’appât du gain et les vulgaires ruses appropriatives et expropriatrices, souvent des animaux qui savent parler aux hommes la langue qu’ils ont oubliée. 

À défaut de monter un mammouth pour parcourir les nécropoles de nos mémoires holocènes, il s’est astreint à parcourir notre Boréalie avec un vieux camion aux yeux jaunes de loup-cervier, question de retrouver les sentiers effacés des Ancêtres. Peshu, le Lynx tutélaire, lui a appris à jouer avec les mots, à bondir de modernité à Tradition et à conserver intactes ses fourrures.

Ils l’ont attendu les Oki des Premières Nations. Gulo Gulo, le carcajou, les avait avertis de sa présence à La Romaine. Il fut désigné pour réparer dans la mémoire vierge du territoire des Innus les estafilades laissées par la croix du père Joveneau. Cette croix qui dissimulait le phallus du côté sombre de Kwekwatshew défiant les anges glacés de l’interminable horizon du golfe. Il a su retrancher, le meilleur de notre Loki septentrional, ce grand prêtre des orifices, ouvrant les portes parthénogénétiques et transes historiques pour y déloger les grands troupeaux de mensonges et y faire pénétrer les vérités chantantes du pré historique.

Il me faudrait des pages de nobles écritures pour rendre justice à la richesse des conversations qu’il a eues au cours des années dans son cénacle composé d’amants de la liberté et de la simplicité originelle. 

Mais sache cher aède anthropologue que les sillons que tu as déterrés dans notre imaginaire collectif nous conduiront sur les chemins de Médecine de Makousham où – je crois - tu es allé retrouver la fille du chef. Et cet apport est plus noble qu’un Nobel.

Lug, 27-05-2021