mardi 19 mars 2019

En passant par Dada



L’art s’endort pour la naissance du monde nouveau ‘’ART’’ – mot perroquet- remplacé par DADA (Tristan Tzara)

Désertant mon carré de sable
Pour les improbables sphinx de la destinée
J’apprends à respirer sur un coup de dés
Que j’enveloppe la nuit si nue
Après l’oraison pythagoricienne
De la morale et de la raison
Des draperies du Vrai, du Bien et de l’Art
Idées aux langues de vie de père
Idées aux gangues de nuit de mère.

Et dans l’or faiblissant des jours
Qu’en est-il de l’Art
Dans l’escalier du larynx
Dans les tempes du temple oublié?

J’ignorais que mon premier cri
De juif errant parcourrait le monde
Les déserts, les ères
Les îles sidérales de l’imaginaire
Puis reviendrait m’assassiner
Dans le do de mon échine musicale.

Perroquet Dada retourne dans ton Amazonie
Oublie le monde, l’Europe et ses Mozarts.
Le soleil s’apprête à prendre congé
Et dans le silence des océans desséchés
Les forêts de sel
Réussiront cette étrange alchimie
Par laquelle les cristaux
Libéreront leurs eaux
Les oiseaux et nos cris
Qui ont nourri des étoiles inconnues
Cœurs de voiles de méduses
Secrètement aimées
Pour l’innommable vision
Derrière les masques de la passion.

Dada, cheval fou
Pourquoi cours-tu dans le vide de la plaine?
Les graminées ont grignoté
Tout le minéral de ma pensée
Les allitérations de ma faim
Les assonances de ma soif
Mortelle, inquiète
Peintre en châtiment.

Lug Lavallée

jeudi 14 mars 2019

Le bien le plus précieux


Même aux jours les plus sombres je n’ai jamais maudit ma vie. Pas un instant, sache-le bien, ne m’a traversé le désir de la changer pour aucune autre, car je jouis du bien le plus précieux au monde : la liberté de n’obéir qu’aux lois du cœur, à mes élans, à mon étoile, à mes chemins. Tous les matins, quand je me lève, je remercie je ne sais qui, le bleu du ciel, l’air alentour ou la lumière des regards, de pouvoir écrire et chanter ces choses qui me remuent l’âme, et d’en gagner assez pour l’auberge et le pain. C’est un miracle quotidien. Je jouerai jusqu'au dernier jour avec des mots, de la musique, encore un chant, une parole, encore un rêve à réveiller, jamais asservi à personne, vivant de la tête aux orteils.

Henri Gougaud

mercredi 13 mars 2019

Lilith et Hélios, à la manière d'Aragon


Lilith au rendez-vous 
de la lune vierge
Lilith des mers abyssales
sirène et méduse
Lilith noire blessure
aux fronts des reines

ainsi je t'appellerai
Hélios mon fils
chaque jour tu nous rejoindras 
ton père et moi
au plexus des chants solaires

espoir moiré d'une 
lune obsidienne
aux yeux de verre
sur un ciel blanc
de colombes

tu clames ta complainte

oh Rieurs vous m'habitez
racontez-nous le feu
qui secoue les oiseaux volants
racontez-nous le vent 
et son haleine de karfa 

oh Pleureuses séchez vos larmes
le mur est tombé
la statue de sel
n'était qu'un modèle pour
une toile de Magritte
qu'un mirage 
tel un orage sur un ciel bleu 

oh femmes du désert
je ne vois que mon absence

chantez priez dansez

mes yeux alors 
ne cesseront de contempler
les soieries
que vous porterez sur les corps
de nos fils

Hélios mon fils
au cœur du Sahel 
messe blanche
du Jour perpétuel

Cygne blanc


dimanche 10 mars 2019

Ducharme, Pélo, Céline

D P C
Dépecer le Verbe
Pour ravitailler les grands migrants
Poètes, mystiques et fous errants.

Je n’ai plus de mots pour te dire
Ce qui me pense et ce qui m’observe
Je n’ai plus de peau pour survivre
À cet immense qui m’énerve.

Céline, Pélo et Ducharme
Trois détracteurs de la bêtise
Pourfendeurs de l’adulterie
Bardamu fuyant la mitraille
La guerre qui ne dort jamais
Sa fureur toujours aux aguets
Pélo hurlant contre la grisaille
La torpeur du cœur qui nous hypnotise
Et Bérénice débusquant dans le réel sa sorcellerie.

Vous n’êtes pas écœurés de mourir bande de caves
Il y a décidément trop de monde dans les caves
Et il y a trop de caves dans le monde
Trop de caves au grand air
Qui nous volent nos parts d’eau, de feu et de terre
On devrait peut-être les ouvrir les caves
Pour libérer du ventre de Chronos
Les Bébert et les petits mammifères
Tous les enfants du Temps
Les Titans et les broutant
Les chantants et les hésitants
Les débutants et les haletants
Les embêtants et les irritants
Les percutants et les révoltants
Les mutants et les pourtant
Maintenant qu’il n’y a plus rien
Dans la boîte à Pandore
Plus de bien et plus d’ellébore
Sauf de la culpabilité
Et de la cupidité
Excréments de l’Espérance
Qui a décidé de tenter sa chance
Hors du monde devenu rance.

À moins de changer d’arme 
À l’instar de l’Asie Azothe à Ducharme
Recommencer dix fois sa première année
Ne jamais quitter nos îles Fortunées
Faire sortir Dieu de son moïse
Réinventer une Nouvelle Héloïse
Tuer le Temps dans la spirale magique
Et délivrer nos amours géologiques.

Quoi ? Encore un texto ?
Allô? Quoi ?  Pélo ?
Edgar Poe a perdu sa peau ?
Tu n’étais ni un alcolo ni un bozo
Un amant du beau comme les animaux
Quoi Céline t’a volé le show?
La Céline à Ange devil
À Las Vegas, il n’y a plus de gaz
Plus de Kerouac et de jazz
Rien que des cartes truquées
Des yankees et des mosquées
On n’en finit jamais avec la guerre, c’est débile
L’école et le pétrole
D’une ère à l’autre on erre
On cherche des symboles dans des protocoles
Les rues sont pleines de petits Bardamu
Flânant sous des feuillus tout émus.

Les mots dorment comme des morts
Dans les cimetières et les dictionnaires
Privés de liberté et de lumière
Dans l’absence du Verbe
Ils oublient leurs étés
Sombrent dans le Léthé
Se crispent, acerbes.

Non Quichotte n’était pas cinglé
Les moulins qu’il voyait faucher
Étaient des géants bien réels
Des broyeurs et hachoirs d’âmes
Machines à sous et à vie
Grands généraux à Kali
Assoiffée de sperme et de sang
De l’innocence des enfants
Les animaux l’ont compris
Et se sont retirés espèce après espèce
Fuyant nos kermesses et nos messes
Deviendront-ils les fossiles de nos demains virtuels ?

Quoi Pelo ?
Ton esprit a retrouvé son Grand Nord
La beauté qui nous mord
Avec les troupeaux de caribous 
Les meutes de loups
Les derniers ours polaires
Qui voient les termites ronger le manteau d’hermine de leurs hivers.

Céline, Ducharme et Pélo
Trois témoins de la sottise
Les moulins à Quichotte
Recyclés dans les usines Ford à Détroit
Sadisme et masochisme
Judaïsme et christianisme
Oiseaux de proie de Bérénice et Azothe
Arrachant à notre Terre promise
Son foie, son cœur et sa peau
Et siffle toujours dans la nuit le train
Qui a chassé Monsieur l’indien.

Vous n’êtes pas écœurés de téter 
Bande de débandés de la Voie Lactée
Les mamelles de la pute à Big Brother
Les tétines université et système de la santé
 Diplômes et pilules vous privent d’être de votre vie l’auteur.

Aérez la cave
Vivez que diable!
Pélo l’a compris
Dans les yeux des animaux heureux
Dans le silence des ciels bleus
Et des forêts assoupies.
Cherchez l’inédit
Réintégrez le livre de la vie!

Luc Lavallée

samedi 9 mars 2019

Québec 1975 Aragon


robe bleue sur ciel blanc
les remparts du jour
au lever des corps
mais personne encore
sur les pavés ne s'ignore

des chevaux fous prennent le train
où vont-ils harnachés ainsi
d'un fardeau  d'un credo 
d'un écho

toi Katia sur les créneaux
tu danses à vol d'oiseaux
la robe blanche de tes hanches
roue le ciel de ses rayons

au panier des anges
quelques fleurs et mésanges
pleurent  s'épanchent

tu danses 
n'as-tu pas assouvi ton intense folie
de ton chant  de tes cris  de tes griffes

le chat des tourelles
salue les chevaux de grès
ta carriole sur les pavés d'étain
armée de patience

tu danses sur les remparts du jour
aveuglée d'une nuit
avalée d'étoiles
Véga déportée

qu'une note tombe l'oiseau la reprend
d'une virevolte  d'une embrasure

ciel il est midi
le hasard a des égards
pour les réchappés

dans la chambre
des draps d'ambre
embrasse ta nudité
midi midi ma mie

fais que ton rêve voyage
au-delà des nuits
des remparts du jour
au lever des corps

Cygne blanc

vendredi 8 mars 2019

Sortir de l'enfer


Nul n'a jamais écrit ou peint, sculpté, modelé, construit, inventé, que pour sortir en fait de l'enfer.

Antonin Artaud

jeudi 7 mars 2019

Miracle


Quand on s’est effondré sur la chaussée ;
Et qu’on git sous la pluie ;
Et qu’ils demandent comment ça va,
Bien sûr qu’on dit : “Ça peut aller”,
Et s’ils cherchent à nous faire parler,
C’est là qu’il faut faire l’idiot,
Dire qu’on attend juste, là,
Que le miracle, que le miracle advienne.

Leonard Cohen

mercredi 6 mars 2019

Connaissance inconsolable


Il y a une heure où, pour chacun de nous la connaissance inconsolable entre dans notre âme et la déchire. C’est dans la lumière de cette heure là que nous devrions nous parler, nous aimer et même le plus possible rire ensemble.

Christian Bobin

mardi 5 mars 2019

L' Amour en son temps

Le temps dit à l'amant
Je prendrai mon temps.
Le jour dit à l'amour
J'attendrai mon tour.
La nuit dit à la vie
J'trouverai qui je suis.

Et moi, pointant du doigt
Tout mon désarroi
J'ai pris le chemin
qui me mène à toi.

Vent du Sud
Vent du Nord
J'ai de l'altitude
Pour trouver ton corps.

Les deux pôles s'attirent
Le chaud et le froid ,
À n'en plus finir
S'étire le désir.

Lise Bujold ( Lib)

lundi 4 mars 2019

Exil

Celui qui n'accepte pas ce monde n'y bâtit pas de maison. S'il a froid, c'est sans avoir froid. Il a chaud sans chaleur. S'il abat des bouleaux, c'est comme s'il n'abattait rien ; mais les bouleaux sont là, par terre, et il reçoit l'argent convenu, ou bien il ne reçoit que des coups. Il reçoit les coups comme un don sans signification, et il repart sans s'étonner.

Henri Michaux

samedi 2 mars 2019

Peuple englouti


Au fond des siècles,
Il y a un peuple,
Englouti,
Qui remue.
Entendez-vous son chant ?
Il appelle et veut vivre.
Au fond des siècles,
Il y a des vies saccagées qui se résignent pas.
Un peuple de bateaux fracassés par la tempête,
D'hommes passés par-dessus bord,
De femmes suicidées pour que leurs enfants ne vivent pas en esclavage.
La mer remue.
Qui l'entend ?
Le poteau mitant tremble dans les villages du Bénin
et au fond des arrière_cours de Port-au-Prince.
Le peuple de l'Atlantique gronde.
Un jour, il reviendra.
Les engloutis sortiront des eaux,
Noirs comme au premier jour,
Dégoulinant de l'eau salée qui les a tué.
Avides de vivre.

Laurent Gaudé


vendredi 1 mars 2019

Suite à Aragon


Au périgée de mes neuf ans
Ferrat chantait Aragon
Au mois d’août il me semble
Lorsque les flammes deviennent cheveux
Au sable fin des dernières plages
Coquillage de jour
Duquel émerge l’Ève de la soif
Ruisselante dans ses gouttelettes de perles
Dans sa robe de lin.

Aragon, tes vers sont
Un chant de terre et de ciel
Une livrée dans les regards,
La chevelure et les mains d’une femme,
Un éveil de l’esprit dans la somnolence
Des paroles sur la bouche des pastels.

Cette lumière de ta poésie
Elle me connaît,
Je la reconnais
À chaque fois que mon cœur s’exerce à voir
Sans désirer, sans vouloir
Ni apprendre avec plus rien à prendre
Mon corps 
Plus présent que jamais
Plus d’avenir que j’aimais
En mon absence reconnaissante.
Cette lumière, terreau de fleurs nouvelles
Dont se souviennent les pollens de mes yeux
Qu’enfin revienne l’Hélène de mes cieux.

Aragon, poète communiste quelle risée!
Apôtre dominical qui préférait
La messe noire de l’Adoration perpétuelle
Dans les prés sous la Pleine lune de juillet
À une tablée de prolétaires sans vodka
Sans Slave Ophélie sur la Volga.
Surréels sont tes mots et tes arbres noyés
Dans la lumière assagie du midi
Un rêve endormi
Comme cette barque au loin sur le Gange
S’effaçant dans l’or de la rétine du couchant indien.
Aragon, les oiseaux dans tes poèmes
Ne volent plus tant ils ont 
Donné toutes les couleurs
De leurs plumes et de leur cœur
Au jeune poète qui te conçut.
Plus que quiconque, tu as célébré Belisama
Et la  France dans ses aurores
Aux bras tendus vers ceux qui connaissent 
L’immortalité de l’Amour
Jusqu’à l’épuisement des géographies et de l’Histoire.

Lug Lavallée