Je rends grâce à cette déesse toujours patiente et souriante qui se penche sur moi quand je reviens à la douce inutilité de vivre et que je lui ouvre mon cœur. Elle y plante des rêves qui fleuriront dans l'éternité et elle les arrose de mots lumineux, qui brillent comme des joyaux de verre poli par la mer quand s'y reflète le soleil.
dimanche 31 août 2014
Second avènement
Tournant, tournant dans un cercle toujours plus large,
Le faucon ne peut plus entendre le fauconnier.
Tout se disloque. Le centre ne peut tenir.
L'anarchie se déchaîne sur le monde
Comme une mer noircie de sang : partout
On noie les saints élans de l'innocence.
Les meilleurs ne croient plus à rien, les pires
Se gonflent de l'ardeur des passions mauvaises.
Sûrement quelque révélation approche ;
Sûrement le second avènement approche.
Le second avènement ! À peine ces mots dits
Qu’une énorme image issue du Spiritus Mundi
Me trouble le regard : quelque part dans les sables du désert,
Une forme au corps léonin et à la tête d’un homme,
Une fixité aussi terne et sans pitié que le soleil,
Remue ses cuisses lentes, tandis que tout autour
Tournoient les ombres d’oiseaux indignés du désert.
La noirceur tombe à nouveau, mais maintenant je sais
Que vingt siècles de sommeil pierreux
Furent vexés en cauchemar par un berceau,
Et son heure enfin revenue, quelle bête rugueuse
Erre-t-elle vers Bethléem pour naître ?
Le faucon ne peut plus entendre le fauconnier.
Tout se disloque. Le centre ne peut tenir.
L'anarchie se déchaîne sur le monde
Comme une mer noircie de sang : partout
On noie les saints élans de l'innocence.
Les meilleurs ne croient plus à rien, les pires
Se gonflent de l'ardeur des passions mauvaises.
Sûrement quelque révélation approche ;
Sûrement le second avènement approche.
Le second avènement ! À peine ces mots dits
Qu’une énorme image issue du Spiritus Mundi
Me trouble le regard : quelque part dans les sables du désert,
Une forme au corps léonin et à la tête d’un homme,
Une fixité aussi terne et sans pitié que le soleil,
Remue ses cuisses lentes, tandis que tout autour
Tournoient les ombres d’oiseaux indignés du désert.
La noirceur tombe à nouveau, mais maintenant je sais
Que vingt siècles de sommeil pierreux
Furent vexés en cauchemar par un berceau,
Et son heure enfin revenue, quelle bête rugueuse
Erre-t-elle vers Bethléem pour naître ?
W.B Yeats
samedi 30 août 2014
Anima essentialis
Je suis la fleur des champs et le lys de la vallée. Je suis la mère du bel amour, de la crainte, de la connaissance, de la sainte espérance… Je suis le médiateur des éléments qui les fait s’accorder. Ce qui est chaud, je le rends froid et inversement. Ce qui est sec, je le rends humide et inversement, et ce qui est dur, je l’adoucis… Je suis la loi dans la bouche du prêtre, la parole dans la bouche du prophète, le conseil dans celle du sage. Je tue et je donne la vie.
Texte mystique du Moyen-Âge
Semeuse de rêves
Elle habite le premier matin du monde, avant même que le silence ne soit. En elle, la patience minérale des gouffres qui nous attendent, la ferveur végétale de l'amour quand il boit la lumière, la jubilation animale de la danse et le rire frais des Anges tandis qu'elle se laisse emporter par la course lente des nuages, et qu'elle sème sans compter une multitude de rêves volatiles pour peupler nos nuits.
vendredi 29 août 2014
Éclosion vertigineuse
L'âme est née un jour à elle-même, se découvrant soudain dans sa nudité essentielle. En elle, la profondeur même dont elle est issue, tout à la fois radieuse et abyssale. Fille de l'océan insondable, elle le porte en son sein avec la multitude étoilée qui peuple l'éternité. Elle ne le sait pas encore mais elle est enceinte du soleil, son tendre amant et cependant son enfant à venir, jeune dieu toujours ressuscité. Son innocence est sa protection, et le silence lui fait un voile dans lequel elle enveloppe sa sauvagerie scintillante, préservée. En elle, par elle, éprise de secrète alchimie, tout advient tandis qu'elle demeure à jamais, virginale, de ce côté des choses où tout est vie.
L'âme et le remède
Ne priez pas pour être guéris
et ne regardez pas pour l´évidence d’un autre monde.
Vous êtes l’âme et le remède pour ce qui blesse votre âme.
Rûmi
jeudi 28 août 2014
Potentiel de l'Unitude
Je déclare:
Que l'humanité est fondamentalement bonne et détient un potentiel illimité, et que la transformation sociale commence par la transformation personnelle. Je reconnais par conséquent l'importance de me connecter avec mon essence divine et ma sagesse intérieure tout au long de la quête spirituelle de ma vie, permettant ainsi aux meilleurs et aux plus hauts niveaux du potentiel humain de s'épanouir pour le bénéfice de tous.
Éloge de l'échec
La
déception, le revers, l'échec sont d'excellents stimulants pour
l'Éveil. Ils nous ramènent à la question des questions: quand je
souffre, qui souffre ? Quand j'échoue, qui échoue ?
Pierre Feuga, Pour l'Éveil
Prière quotidienne
Écrire, parce que c'est ma façon de prier, de me rapprocher du cœur vibrant des choses, de prendre refuge en son silence, d'écouter sa tendre pulsation et de tirer au jour son sourire radieux comme un soleil amoureux de la lune.
mercredi 27 août 2014
Le temps est creux
Le temps est creux
comme un vase percé
qu’il serait vain d’emplir.
Tout est tissé d’amour,
le plus souvent silencieux,
douloureux même.
L’instant ploie sous la pesée
du cœur et de l’âme :
je me laisse couler… avec cette lourdeur.
comme un vase percé
qu’il serait vain d’emplir.
Tout est tissé d’amour,
le plus souvent silencieux,
douloureux même.
L’instant ploie sous la pesée
du cœur et de l’âme :
je me laisse couler… avec cette lourdeur.
Fièvre antédiluvienne
Écrire est une façon d’apaiser la fièvre du premier matin du monde, qui revient chaque jour…
Christian Bobin
Le feu et la rose
Ici maintenant, vite, maintenant, toujours
Une condition de complète simplicité
(Ne coûtant pas moins que tout)
Et tout sera bien et
Toutes les choses seront bien
Quand les langues-flammes se reploieront
Dans le nœud de feu couronné
Et que le feu et la rose seront un.
T.S. Eliot, Quatre quatuors
mardi 26 août 2014
Bruit de pas
Cette vie n'est qu'un bruit de pas qui s'approchent de la fenêtre endormie de l'âme.
Christian Bobin, Une bibliothèque de nuages
Évidence de la voie
Le disciple demande:
- Qu'est-ce que la voie ?
Le maître répond:
- C'est la perception aigüe de l'évidence des choses.
- Qu'est-ce que la voie ?
Le maître répond:
- C'est la perception aigüe de l'évidence des choses.
Enseignement zen
lundi 25 août 2014
Rire révélateur
Quand l'homme noble entend parler de la voie, il l'embrasse avec zèle.
Quand l'homme moyen entend parler de la voie, il la discute, il en prend et il en laisse.
Quand l'homme inférieur entend parler de la voie, il éclate de rire.
S'il ne riait pas, ce ne serait pas la voie...
Tao-Te-Ching, a new version by Stephen Mitchell
Tendre diagnostic
Si tu étais une maladie, il n'y aurait qu'un seul symptôme pour te reconnaître et ce serait la joie, une joie brûlante comme le soleil d'été. Si tu étais une chirurgie, ce serait bien sûr à cœur ouvert pour laisser sortir la lumière.
dimanche 24 août 2014
Parfaite imperfection
Peut-être nous faudrait-il
apprendre que l’imparfait
est une autre forme de la perfection :
la forme que la perfection
assume
pour pouvoir être aimée.
Roberto Juarroz, poésie verticale
apprendre que l’imparfait
est une autre forme de la perfection :
la forme que la perfection
assume
pour pouvoir être aimée.
Roberto Juarroz, poésie verticale
samedi 23 août 2014
Promenade solitaire
La solitude n'est pas le bout du chemin, elle en est le commencement. Le sentier s'ouvre, trop étroit pour s'y engager à deux de front. Il s'agit de se perdre car sinon, comment se retrouver ? Et soudain, quand il n'est plus personne, la promenade débouche dans l'illimité.
Illumination
Reflets sur la Tamise - Claude Monet |
Un clochard londonien cherche un endroit où passer la nuit. Il a dû se contenter d'un croûton de pain en guise de repas. Comme il tombe un léger grésil, il s'enveloppe soigneusement dans son manteau loqueteux. Au moment où il est sur le point de s'endormir, une Rolls Royce s'arrête. Une belle jeune femme en descend et lui dit: « Mon pauvre homme, allez-vous vraiment passer la nuit sur la berge ? — Oui, répond le clochard. — Je ne puis supporter cela. Je vais vous emmener chez moi, où vous passerez la nuit après avoir pris un bon dîner. »
Quelques
temps après, la jeune femme, déshabillée et prête à se mettre au lit,
se souvient soudain de son invité. Elle enfile une robe de chambre et
emprunte un corridor pour se rendre au quartier des domestiques. Voyant
passer un rai de lumière sous la porte de la chambre dans laquelle
l'homme a été installé, elle frappe, entre et le trouve éveillé. « Que
se passe-t-il, cher monsieur, n'avez-vous pas reçu un bon repas ?
- Je n'ai jamais fait un meilleur repas de toute ma vie, madame. »
- Avez-vous assez chaud ?
- Oui, le lit est chaud et confortable.
- Peut-être avez-vous besoin de compagnie. Faites-moi donc une petite place... »
Sur ces mots, elle s'approche de lui. Alors, l'homme recule pour lui faire une place et tombe dans la Tamise.
Anthony de Mello rapporte cette histoire dans "Quand la conscience s'éveille". Son commentaire vaut la peine d'être médité:
Vous
ne vous attendiez pas à cela, n'est-ce pas ? Illumination.
Illumination. Réveillez-vous ! Lorsque vous serez prêt à échanger vos
illusions pour la réalité, lorsque vous serez prêt à échanger vos rêves
pour les faits, alors vous trouverez l'illumination. C'est alors que la
vie prendra enfin un sens. C'est alors que la vie deviendra belle.
vendredi 22 août 2014
Réveil incendiaire
Une cloche inattentive sonne depuis le début du temps.
C’est un tocsin, une alarme inutile tandis que le matin prend feu.
À cet incendie, il n’est rien à opposer et tout s’offre à se laisser consumer.
Dans mon rêve, le réveil entonne un chant d’allégresse. Ma main, cherchant à le faire taire, ne rencontre que le vide.
Dans ce silence, soudainement rendu à lui-même, je me réveille tout à fait !
C’est un tocsin, une alarme inutile tandis que le matin prend feu.
À cet incendie, il n’est rien à opposer et tout s’offre à se laisser consumer.
Dans mon rêve, le réveil entonne un chant d’allégresse. Ma main, cherchant à le faire taire, ne rencontre que le vide.
Dans ce silence, soudainement rendu à lui-même, je me réveille tout à fait !
Désencombrement
Si l’œil n’est pas obstrué, on voit;
Si l’oreille n’est pas obstruée, on entend;
Si le
nez n’est pas obstrué, on sent;
Si la
bouche n’est pas obstruée, on goûte;
Si
l’esprit n’est pas obstrué, on est sage;
Si le
cœur n’est pas obstrué, on aime.
Anonyme
Le souffle du saint
Je me promenais dans les montagnes, j’y vis plusieurs infortunés,
affligés de maladies, qui s’étaient réunis autour d’une grotte.
— "Que se passe-t-il ?" demandai-je.
— "Il y a ici un homme très pieux qui vit cloîtré, répondirent-ils. Il sort une fois l’an, répand son souffle sur les gens, et ils sont tous guéris. Puis il retourne dans sa grotte, et n’en ressort que l’année suivante."
— "Que se passe-t-il ?" demandai-je.
— "Il y a ici un homme très pieux qui vit cloîtré, répondirent-ils. Il sort une fois l’an, répand son souffle sur les gens, et ils sont tous guéris. Puis il retourne dans sa grotte, et n’en ressort que l’année suivante."
J’attendis patiemment qu’il sorte. Et je vis un homme aux joues très
pâles, décharné, les yeux cernés. Je tremblai de peur en le voyant. Il
regarda la foule avec compassion. Puis il leva les yeux au ciel, et
souffla plusieurs fois en direction des malades qui, tous guérirent.
Comme il allait se retirer dans sa cellule, j’attrapais un pan de son vêtement.
— Pour l’amour de Dieu, m’écriai-je "Vous avez guéri ce qui est dehors ; priez pour guérir ce qui est dedans."
— "De Dhu-l-Nun," at-il dit, en me regardant, "Lâchez-moi. L’Ami regarde depuis le sommet de sa grandeur et de sa majesté. S’Il vous voit vous attacher à un autre que Lui, Il vous abandonnera à cette personne, et cette personne à vous, et vous périrez chacun dans la main de l’autre."
Comme il allait se retirer dans sa cellule, j’attrapais un pan de son vêtement.
— Pour l’amour de Dieu, m’écriai-je "Vous avez guéri ce qui est dehors ; priez pour guérir ce qui est dedans."
— "De Dhu-l-Nun," at-il dit, en me regardant, "Lâchez-moi. L’Ami regarde depuis le sommet de sa grandeur et de sa majesté. S’Il vous voit vous attacher à un autre que Lui, Il vous abandonnera à cette personne, et cette personne à vous, et vous périrez chacun dans la main de l’autre."
Il se retira sur ces mots.
Traduction par Michèle Le Clech de l’extrait de Farîd ud-Dîn ‘Attâr, Muslim Saints and Mystics, p 93-94, quoted by Llewellyn Vaughan-Lee in Catching the Thread. Vous pouvez retrouver ce texte à l'adresse suivante: http://carnetsdereves.wordpress.com/2014/08/21/le-souffle-du-saint, et beaucoup de savoureuses nourritures pour l'âme sur les Carnets de rêve.
jeudi 21 août 2014
Réalité absolue
D’emblée, situes-toi hors de la progression spirituelle,
Hors de la contemplation,
Hors du discours habile,
Hors de la recherche,
Hors de la méditation sur des divinités,
Hors de la concentration et de la récitation des textes.
Quelle est, dis-moi, la réalité absolue
Qui ne laisse place à aucun doute ?
Écoute bien !
Cesse de t’accrocher à ceci ou cela
Et, résidant dans ta vraie nature absolue,
Jouis paisiblement de la réalité du monde.
Abhivanagupta (Xème siècle)
Si je devais
Si je devais arriver quelque part, il est bien certain que je suis déjà en retard. Si je devais réussir quelque chose, il est clair que j’ai échoué avant de commencer. Si je devais devenir quelqu’un, il est temps de me rendre à l’évidence : je ne puis être que moi.
mercredi 20 août 2014
Jeux d'ombre
J'ai appelé mon ombre et je lui ai demandé de me suivre pas à pas, de me précéder parfois quand j'avance dans le noir, de me faire la grâce de son amitié. Elle était inquiète encore, rétive et toute sauvage, me laissant humer son parfum de forêt, son haleine de fauve, mais fuyant à mon approche. Elle craignait que je la domestique, que je l'envoie se laver pour la civiliser. Cela m'a pris longtemps pour la rassurer, la convaincre que je n'avais pas d'autre projet que de l'aimer. Il a fallu que je lui parle doucement comme à une jeune fille effarouchée, que j'accepte ses caprices et que je souris à ses colères démesurées.
Il m'est arrivé de pleurer sans rien dire dans la nuit parce que je croyais qu'elle m'avait quitté; pauvre fou que j'étais, elle se tenait dans l'obscurité qui m'enveloppait et souriait à son tour. C'est alors seulement qu'elle s'est rapprochée et qu'elle est venue, au petit matin, m'embrasser dans le cou. Depuis, nous sommes inséparables. Bien souvent, les gens nous confondent; ils me prennent pour l'ombre parce que je me retire dans le silence, tandis qu'elle s'en donne à cœur joie de jouer à vivre.
« L'ombre a tant été aimée qu'elle est devenue clarté. »
L'ombre et le chaman
L’ombre était vraiment comme une femme amoureuse. Elle m’a dit : « Désire-moi, Luis. Chaque fois que tu me désireras, je viendrai. J’obscurcirai tes contours. Je ferai de toi un homme inaperçu, je protègerai ton travail, tes plaisirs, ton être. Je t’aiderai aussi à te tenir éveillé. La lumière endort la vigilance. Moi, l’ombre, je la ravive sans cesse. La lumière efface la profondeur. Moi, l’ombre, je suis sans fond. N’oublie pas, Luis. Quand tu es en moi, la lumière, c’est toi. Chaque fois que tu le voudras, je te laverai de tes certitudes paresseuses, je t’apprendrai à dire « encore, encore, encore », et je t’entraînerai toujours plus loin dans les mystères de la vie. »
Henri Gougaud, les sept plumes de l'aigle
mardi 19 août 2014
Pratique de la lenteur
Patience, silence, lenteur et profondeur, voilà tout ce qui manque à notre monde, épris de sa propre folie, pour trouver le centre autour duquel il gravite, qui lui prête vie.
Douce obscurité
Lorsque tes yeux sont fatigués
Le monde aussi est fatigué.
Lorsque ta vision s’en est allée
Aucune partie du monde ne peut te trouver.
Il est temps d’aller dans l’obscurité.
Là où la nuit a des yeux pour reconnaître
Ce qui lui appartient.
Là tu peux être sûr
Que tu n’es pas au-delà de l’amour.
L’obscurité t’accueillera en son sein.
La nuit te donnera un horizon plus lointain
Que ce que les yeux peuvent atteindre.
Là où la nuit a des yeux pour reconnaître
Ce qui lui appartient.
Là tu peux être sûr
Que tu n’es pas au-delà de l’amour.
L’obscurité t’accueillera en son sein.
La nuit te donnera un horizon plus lointain
Que ce que les yeux peuvent atteindre.
Tu dois apprendre une chose,
Le monde a été créé pour que tu y soit libre
Abandonne tous les autres mondes sauf celui auquel tu appartiens
Cela demande de l’obscurité et le doux enfermement de ta solitude
Tout être ou toute chose qui ne te rend pas vivant
Est trop étroit pour toi.
David Whyte - sweet darkness (traduction adaptée à partir de: http://www.ressources.be/poemes)
lundi 18 août 2014
Vérité sans chemins
Peut-être vous souvenez-vous de l'histoire de la conversation que le diable a eue avec un ami, quand ils ont vu devant eux un homme s'arrêter, ramasser quelque chose par terre, le regarder puis le mettre dans sa poche.
Son ami dit au diable : " Qu'est-ce que cet homme a ramassé ?
– Il a trouvé un morceau de Vérité, lui répondit le diable.
– Alors ce n'est pas bon pour tes affaires.
– Mais si, je vais le laisser l'organiser. "
La Vérité est un pays sans chemins, que l'on ne peut atteindre par aucune route, quelle qu'elle soit : aucune religion, aucune secte.
Jiddu Krishnamurti (extrait du discours de dissolution de l'Ordre de l'Étoile).
En marchant se construit le chemin
Marcheur, ce sont tes traces
ce chemin, et rien de plus ;
Marcheur, il n'y a pas de chemin,
Le chemin se construit en marchant.
En marchant se construit le chemin,
Et en regardant en arrière
On voit la sente que jamais
On ne foulera à nouveau.
Marcheur, il n'y a pas de chemin,
Seulement des sillages sur la mer.
Marcheur, il n'y a que tes pas,
Pour faire le chemin où tu vas,
Marcheur, il n'est pas de chemin,
Que celui que tes pas vont faire.
Et quand tes pas font le chemin,
Jamais plus tu n'emprunteras
Le sillon qui déjà s'efface,
Lorsque tu regardes en arrière
Marcheur, il n'est pas de chemin,
Mais des sillages sur la mer.
Antonio Machado
dimanche 17 août 2014
Au bout de nulle part
Je suis allé au bout de nulle part. J'ai tourné à gauche puis à droite après quelques pas à reculons, et enfin je suis descendu verticalement en tournant sur moi-même et en fermant les yeux. Je suis maintenant complètement perdu, je ne sais vraiment pas où aller. C'est exactement ce que je préméditais. Il n'y a pas d'autre moyen de se rendre au centre immobile des choses pour solliciter une audience auprès de celui qui n'existe pas, mais qui est indubitablement et se tient là, au cœur rayonnant du silence.
J'ai dit à mon âme
Voir ci-dessous la version originale de ce poème de T. S. Eliot, dont voici d'abord ma traduction:
J'ai dit à mon âme, reste immobile et attends sans espoir
J'ai dit à mon âme, reste immobile et attends sans espoir
Car l'espoir serait un espoir pour la mauvaise chose ;
attends sans amour
Car cet amour serait un amour pour le mauvais objet ; il
y a encore de la foi
Mais toute la foi, l'amour et l'espoir sont dans
l'attente.
Attends sans pensées, car tu n'es pas prêt pour la pensée :
Alors l'obscurité deviendra la lumière, et l'immobilité
sera la danse.
Pour arriver à ce que tu ne connais pas
Tu dois aller
par un chemin qui est la voie de l’ignorance.
Pour obtenir ce que tu ne possèdes pas
Tu dois aller
par la voie de la dépossession.
Pour arriver à ce que tu n’es pas
Tu dois passer
par cette façon dans laquelle tu n’es pas.
Et ce que tu ne sais pas est la seule chose que tu sais
Et ce qui t’appartient est ce qui ne t’appartient pas
Et là où tu es est ce lieu où tu n’es pas.
I said to my soul, be still and wait without hope
For hope would be hope for the wrong thing; wait
without love
For love would be love for the wrong thing; there is
yet faith
But the faith and the love and the hope are all in the
waiting.
Wait without thought, for you are not ready for the
thought:
So the darkness shall be the light, and the stillness
the dancing…
In order to arrive to what you don’t know
You must go
by a way which is the way of ignorance
In order to possess what you do not possess
You must go by the way of dispossession.
In order to arrive to what you are not
You must go
through the way in which you are not.
And what you do not know is the only thing you know
And what you own is what you do not own
And where you are is where you are not.
T. S. Eliot, Four Quartets (extrait)
samedi 16 août 2014
Brillante image
Un jour le soleil a admis:
Je suis juste une ombre.
J'aimerais tant pouvoir te montrer
L'Infinie Incandescence
Qui a projeté ma brillante image !
J'aimerais tant pouvoir te montrer,
Quand tu es seul ou dans l'obscurité,
La Lumière étonnante
De ton propre Être!
Je suis juste une ombre.
J'aimerais tant pouvoir te montrer
L'Infinie Incandescence
Qui a projeté ma brillante image !
J'aimerais tant pouvoir te montrer,
Quand tu es seul ou dans l'obscurité,
La Lumière étonnante
De ton propre Être!
Hafiz de Chiraz, in "I heard God Laughing" par Daniel Landinsky (ma traduction)
Ombre dansante
Je marche avec ma névrose main dans la main, escorté par la cohorte de mes doutes. Mes vieux amis, chaos et confusion, ouvrent la route. J'ai bien songé à m'enfuir en courant mais ils détiennent mon ombre en otage; il faudrait m'amputer de ce qu'il y a en moi de plus vivant, du sauvage, de la proximité avec l'eau vive, les arbres muets et les enfants rêveurs. Alors j'en prend mon parti et voilà que nous descendons joyeusement la grande rue pour aller danser tous en rond au clair de lune. L'ombre sourit; bien sur, c'est elle qui a tout manigancé mais qui pourrait lui en vouloir ?
vendredi 15 août 2014
Coeur soleil
Quand il aime, l’homme est un soleil qui voit et
transfigure tout; quand il n’aime pas, il est cette chambre sombre où se
consume un lumignon fumeux.
Hölderlin
jeudi 14 août 2014
Gestation des possibles
Aujourd'hui je marche du côté sombre du jour. J'entrevois son versant secret où la clarté se fait discrète, presque tendre. Je descends dans le creux des mots, où niche patiemment le silence. Je m'étonne de ma propre absence - où suis-je donc passé ? Comment ai-je fait pour me perdre ? Enfin, j'embrasse le chaos et la confusion comme deux vieux amis avec qui je renoue. C'est dans l'intimité de ces retrouvailles, dans cette obscurité où je ne me distingue plus moi-même, que s'opère la gestation des possibles, souveraine alchimie.
Fil d'or
Notre devoir le plus impérieux est
peut-être de ne jamais lâcher le fil de la Merveille. Grâce à lui je
sortirai du plus sombre des labyrinthes.
Christiane Singer
mercredi 13 août 2014
De l'autre côté des choses
Il n’existe rien de tel comme ce qu’on appelle le réel, sinon la boursouflure d’un œil qui se prend pour le monde. Enraciné
dans le souffle du vent, je me tiens de l’autre côté des choses...
Réalisation
Ils me font rire, tous ceux qui parlent de
« réalisation ». C’est une histoire d’amour ! Dans l’amour, il n’y a personne qui
« réalise » quoi que ce soit ; il n’y a que le miracle d’être en
vie, d’être conscient, d’aimer. C’est bien suffisant.
mardi 12 août 2014
Aveu sans détour
Je
l'avoue, camarade, je t'ai encouragé sur le chemin et t'y encourage toujours,
sans savoir le moins du monde si nous allons gagner ou serons, finalement,
totalement vaincus et défaits.
Walt Whitman
Bouche d'ombre
La nuit prend voix, tantôt grinçante, tantôt chuchotante, pour démentir le triomphe de ceux qui avancent masqués de lumière pour mieux fossoyer l'innocence. Les néons clignotent, les projecteurs dansent sur les boulevards avides - the show must go on ! Quand le rideau retombe enfin, il ne reste que la vérité brûlante des solitaires insomniaques pour souffler sur la braise ardente de nos rêves. Heureusement, l'essentiel n'est jamais perdu. Il se tient coi, tranquille et ignoré du grand nombre, jusqu'à ce que le silence patient accouche d'une nouvelle aube, vengeresse.
(dédié à Christiane Riedel)
Attirer l'attention
Un paysan vint trouver le mulla Nasrudin pour lui demander conseil. Il avait un âne paresseux qui refusait le licol et il désespérait de parvenir à le mettre au travail. Le mulla lui recommanda de lui donner beaucoup d'amour. Le paysan aménagea l'étable pour en faire un palace et donna à son âne la meilleure avoine ainsi que de l'eau fraiche. Rien n'y fit, l'âne persistait à braire sans comprendre ce qu'on attendait de lui. Quand le paysan croisa à nouveau le mulla sur la place du marché, il lui en donna des nouvelles, et cette fois, le sage lui proposa de l'accompagner pour aller parler à son âne. En chemin, il ramassa un beau madrier qu'il tint derrière son dos jusqu'à ce qu'il soit présenté à l'animal, et lui en assena alors un grand coup derrière l'oreille. Le paysan s'exclama:
- Mais tu m'as dit de lui donner beaucoup d'amour !?
Le mulla répondit, souriant:
- Oui, mais auparavant, il faut attirer son attention...
lundi 11 août 2014
Fous essentiels
Il y a des fous tellement fous que rien ne pourra jamais leur enlever des yeux la jolie fièvre d'amour. Qu'ils soient bénis. C'est grâce à eux que la terre est ronde et que l'aube chaque fois se lève, se lève, se lève.
Christian Bobin, Tout le monde est occupé
Sang lumineux
La poésie est ce sang lumineux qui coule dans les veines de l'Être. Il n'y aurait rien sans la gratuité irrémédiable de la caresse de l'air, du chant insouciant des oiseaux, des jeux des enfants. C'est à cette source que boivent les amants quand ils se perdent l'un dans l'autre. C'est là, mon ami, que se trouve le seul remède à la pesanteur de la nuit, à l'insoutenable difficulté parfois de vivre.
dimanche 10 août 2014
Éclipse souriante
Derrière le soleil, il y a un gouffre obscur. Il s'y repose, s'y détend, et toujours risque de s'y laisser absorber. Quand il y meure, c'est pour mieux renaître à chaque fois. Il s'y régénère en s'y perdant, s'y retrouve en s'abandonnant.
Une divine invitation
Tu as été invité à rencontrer l'Ami.
Personne ne peut résister à une invitation divine.
Cela restreint nos choix à seulement deux possibilités:
Nous pouvons aller au Divin habillé pour danser,
Ou
En étant portés sur une civière à l'Hôpital Divin.
Hafiz de Chiraz, in "I heard God Laughing" par Daniel Landinsky (ma traduction)
samedi 9 août 2014
Aucun raccourci
Le
monde est à traverser en pleine conscience.
Il n’y a aucun détour, aucune autre voie, aucun raccourci.
Il n’y a aucun détour, aucune autre voie, aucun raccourci.
Daniel Odier, Tantra
Omniprésence du centre
Les enfants jouent
et leurs cris réjouissent l’univers entier.
et leurs cris réjouissent l’univers entier.
La lumière danse
à
la surface de l’eau mouvante.
Où est le point d’immobilité ?
Tu es convié(e)
L'amour ne connait qu'un seul but quand il te rencontre : lui-même. Venir au monde encore une fois à travers toi. Se donner au monde à travers toi une chance de plus. Tu es convié(e) à aimer et à servir pour que sur terre soient l'amour et le service.
Tu es convié(e).
Tu n'es pas même obligé(e).
Un simple service d'honneur.
Voilà tout.
Ni plus mais ni moins.
Christiane Singer, Éloge du mariage, de l'engagement, et autre folie
vendredi 8 août 2014
Tous des enfants
Parce que nous avons tous été des enfants et que nous mourrons tous, je voudrais être bon avec chacun.
Christian Bobin, le Christ aux coquelicots
Ronds de fumée
Les volutes qui s'envolent vers le soir dessinent une spirale dansante, ou est-ce un mandala ? Ah oui, le mandala de mon désir, bien sûr, de relier la terre au ciel, de tenir ensemble le bas et le haut. C'est une prière, toujours, qui monte avec l'ambition de taquiner les nuages et se dissout en chemin. La fumée n'obscurcit pas l'immensité de l'espace, tout au plus la colore-t-elle d'impermanence.
Merci pour tout
Il y a cent cinquante ans vivait une femme nommée Sono, dont la dévotion et la pureté de cœur était grandement respectée. Un jour, un étudiant Bouddhiste, qui avait un long voyage pour la rencontrer, lui demanda: "que puis-je faire pour mettre mon cœur au repos ?" Elle répondit: "Chaque matin et chaque soir, et à chaque fois qu'il t'arrive quelque chose, répète simplement: merci pour tout, il n'est rien dont je puisse me plaindre." L'homme fit ce qu'elle lui avait suggéré pendant une année entière, mais son cœur ne trouvait pas encore la paix. Il retourna voir Sono, découragé. "J'ai dit votre prière encore et encore, mais rien n'a encore changé dans la vie; je suis toujours le même égoïste qu'auparavant. Qu'est-ce que je devrais faire maintenant ?" Sono répondit immédiatement: "Merci pour tout, il n'est rien dont je puisse me plaindre". En entendant ces mots, l'homme ouvrit son oeil spirituel et retourna chez lui dans une grande joie.
Histoire japonaise racontée par Stephen Mitchell en commentaire du Tao-Te-Ching, tirée du livre de Zenkei Shibayama Roshi, A Flower does not talk.
jeudi 7 août 2014
Hurlements maniaques
Nous devrions nous en tenir à un discours spirituel simple aujourd'hui:
Dieu essaye de te vendre quelque chose.
Mais tu ne veux pas acheter.
C'est là tout ce qu'il y a dans ta souffrance:
Ton formidable marchandage,
Tes hurlements maniaques à propos du prix !
Hafiz de Chiraz, in "I heard God Laughing" par Daniel Landinsky (ma traduction)
Dieu essaye de te vendre quelque chose.
Mais tu ne veux pas acheter.
C'est là tout ce qu'il y a dans ta souffrance:
Ton formidable marchandage,
Tes hurlements maniaques à propos du prix !
Hafiz de Chiraz, in "I heard God Laughing" par Daniel Landinsky (ma traduction)
Eau noire
Chaque matin, je remonte un plein seau d'eau noire des profondeurs de la nuit. Souvent, j'observe des étoiles semblant danser à la surface; elles dessinent des arabesques de couleurs jamais vues dans mon ciel intérieur. Je bois l'eau noire jusqu'à la lie tandis qu'à mesure se dissipe lentement la procession des ombres. Ainsi, chaque matin, le jour échappe aux griffes des vains fantômes pour renaître à nouveau, nu et libre, lumineux.
Action juste
Aurez-vous la patience d'attendre
Jusqu'à que votre boue se dépose
Et que l'eau redevienne claire ?
Aurez-vous le courage de rester immobile
Jusqu'à ce que l'action juste émerge d'elle-même ?
Jusqu'à que votre boue se dépose
Et que l'eau redevienne claire ?
Aurez-vous le courage de rester immobile
Jusqu'à ce que l'action juste émerge d'elle-même ?
Tao-Te-Ching, a new english version by Stephen Mitchell (ma traduction)
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