mardi 31 décembre 2019

lundi 30 décembre 2019

Défi de la maturité


L'homme passe d'une femme à une autre, continue de changer. Les gens pensent qu'il est un grand amant; il n'est pas du tout un amant. Il évite, il essaie d'éviter toute implication profonde car avec des problèmes d'implication profonde il faut faire face et beaucoup de souffrance doit être endurée. Donc on joue simplement en sécurité, on se fait un devoir de ne jamais aller trop profondément dans quelqu'un.

Si vous allez trop loin, vous ne pourrez peut-être pas revenir facilement. Et si vous allez profondément en quelqu'un, quelqu'un d'autre vous entrera aussi profondément; c'est toujours proportionné.  Si je vais très profondément en toi, le seul moyen est de te permettre d'aller aussi profondément en moi.  C'est un échange, c'est un partage. Ensuite, on risque de s'emmêler trop, et il sera difficile de s'échapper et la douleur peut être importante.  Ainsi, les gens apprennent à jouer en toute sécurité: laissez les surfaces se rencontrer - aventures amoureuses. Avant de vous faire prendre, courez. C'est ce qui se passe dans le monde moderne. Les gens sont devenus si juvéniles, si puérils; ils perdent toute maturité. 

La maturité ne vient que lorsque vous êtes prêt à affronter la douleur de votre être; la maturité ne vient que lorsque vous êtes prêt à relever le défi. Et il n'y a pas de plus grand défi que l'amour.

Osho

mardi 24 décembre 2019

Gilbert Langevin...Hommage


Yen a qui ont une gueule de métèque
toi t'as une gueule de poète

tu clames ta verve 
tu déclames à longueur d'âme

pourtant le silence te poursuit
t'habite   te torture
c'est pour ça parfois qu'on 

te retrouve au matin blanc
blanc de ciel du square St Louis
quand la faune s'étire de par les rues
que les fleurs s'ouvrent en fontaine
que les oiseaux frôlent la poussière
à ton passage Chevalier

Preux Chevalier d'une longue nuit

ils ne te reconnaissent pas 
ils ne te regardent pas

toi tu les sens 
par tous les pores de ta peau de poète itinérant
vibrant de tout ton corps de colosse en érection

tu refuses les statuts  les filets 
les formules  les murs

tu embrasses tout
les soleils  les rires 
les femmes  les pleurs

puis tu retournes à la mer 
dans la foulée de tes pas
tes frères de feu  de sang

tu laves leurs pieds
au coucher des soleils

ces pêcheurs de petits pains
rentreront chez eux de peur
d'être affamés  d'être assoiffés

toi tu boiras
le grand silence à plein Calice
le grand Calice à plein silence
tu as Tout dit
Hostie

Cygne blanc


lundi 23 décembre 2019

Purs instants de transparence


Il est parfois de purs instants de transparence où semble s'effacer toute frontière entre le dehors et le dedans, où l'âme et le jardin se regardent, se découvrent accordés et s'accueillent dans la paisible évidence d'une amitié plus ancienne et fidèle que la mémoire des jours.

Henri Gougaud

vendredi 20 décembre 2019

Attaque de désobéissance


Mon destin, c’est l’effort de chaque nuit vers moi-même,
c’est le retour au cœur, à pas lents,
le long des villes asservies à la bureaucratie du mystère.

Que m’importe d’être né, d’être mort,
d’avoir cent ans de cheveux,
des dispositions pour la marine marchande,
un mètre d’esprit de contradiction
et des femmes fidèles dans les lits des autres ?
Que m’importe d’avoir ma place retenue d’avance
sur ce monde que je connais pour l’avoir fait ?

Je suis de ceux qui sèment le destin,
qui ont découvert le vestiaire
avant de se risquer en pleine vie.

Je suis arrivé tout nu,
sans tatouages cosmiques.
Le doux géant qui me tracasse
quand je me sens encore désossé par le sommeil,
c’est l’Univers que je me suis créé,
qui me tient chaud en rêve.

Et si je meurs demain,
ce sera d’une attaque de désobéissance.

Léon-Paul Fargue

mercredi 18 décembre 2019

mardi 17 décembre 2019

Sous la peau des ténèbres


Sous la peau des ténèbres,
Tous les matins je dois
Recomposer un homme
Avec tout ce mélange
De mes jours précédents
Et le peu qui me reste
De mes jours à venir.
Me voici tout entier,
je vais vers la fenêtre.
Lumière de ce jour,
je viens du fond des temps,
Respecte avec douceur
Mes minutes obscures,
Épargne encore un peu
Ce que j'ai de nocturne,
D'étoilé en dedans
Et de prêt à mourir
Sous le soleil montant
Qui ne sait que grandir.

Jules Supervielle

samedi 14 décembre 2019

Le temps des vivants


Que finisse le temps des victimes
passe passe le temps des abîmes
il faut surtout pour faire un mort
du sang des nerfs et quelques os

que finisse le temps des taudis
passe passe le temps des maudits
il faut du temps pour faire l'amour
et de l'argent pour les amants

vienne vienne le temps des vivants
le vrai visage de notre histoire
vienne vienne le temps des victoires
et le soleil dans nos mémoires

ce vent qui passe dans nos espaces
c'est le grand vent d'un long désir
qui ne veut vraiment pas mourir
avant d'avoir vu l'avenir

que finisse le temps des perdants
passe passe le temps inquiétant
un feu de vie chante en nos cœurs
qui brûlera tous nos malheurs

que finisse le temps des mystères
passe passe le temps des misères
les éclairs blancs de nos amours
éclateront au flanc du jour

vienne vienne le temps des passions
la liberté qu'on imagine
vienne vienne le temps du délire
et des artères qui chavirent

un sang nouveau se lève en nous
qui réunit les vieux murmures
il faut pour faire un rêve aussi
un cœur au corps et un pays

que finisse le temps des prisons
passe passe le temps des barreaux
que finisse le temps des esclaves
passe passe le temps des bourreaux

je préfère l'indépendance
à la prudence de leur troupeau
c'est fini le temps des malchances
notre espoir est un oiseau

Gilbert Langevin 

vendredi 13 décembre 2019

Sans toi


Sans toi, toute la nature
N'est plus qu'un cachot fermé,
Où je vais à l'aventure,
Pâle et n'étant plus aimé.

Sans toi, tout s'effeuille et tombe ;
L'ombre emplit mon noir sourcil ;
Une fête est une tombe,
La patrie est un exil.

Victor Hugo.

jeudi 12 décembre 2019

Horrible froid


Vaincre le jour, vaincre la nuit,
Vaincre le temps qui colle à moi,
Tout ce silence, tout ce bruit,
Ma faim, mon destin, mon horrible froid.

Robert Desnos

mercredi 11 décembre 2019

Inquiétude de l'âme en paix


Le tremblement d'un pétale quand une goutte de pluie le heurte : c'est cette vibration que je cherche dans l'écriture, l'imperceptible inquiétude de l'âme en paix.

Christian Bobin

mardi 10 décembre 2019

Ma Cousine

Réponse de Hector St Denys-Garneau à la lettre d'Anne Hébert


Votre lettre parcourant cet océan 
de forêt enneigée...
enfin!
Encore toute frissonnante de votre main
celle que vous me tendiez 
à la traversée du torrent 
de nos jeux d'enfant

Je vous y précédais
puis 
vous cédais le pas

nos pieds feutrés de mousse
nous entraînaient vers la clairière
où noyés de soleil
nous brûlions nos ailes de cire

bras tendus vers l'azur
engloutis sous nos rires

au fond de mon âpre solitude
nourrie du dépouillement des heures
vous êtes plus présente que jamais
Chère Anne

dans cette chambre secrète
aux murs tendus de vos prunelles
pareilles à leur pure image d'eau

je peins
d'un geste parfait 
votre corps de baigneuse ensoleillée
hors d'atteinte du temps

je vous garde ainsi comme 
un trésor au fond des mers

j'ai lâché les amarres
sans appui je repose

dans cette chambre d'eau
où je vous attends...

Votre Hector



Cygne blanc

jeudi 5 décembre 2019

Mon Cousin


Une lettre qu'aurait pu écrire Anne Hébert à son cousin et (probable) amant Hector de Saint-Denys Garneau

Mon Cousin,

Cette lettre vous est destinée,
en ces grands froids qui nous emprisonnent
malgré le flamme de l'âtre,
mon esprit s'envole vers vous.
Je n'ai de cesse d'évoquer votre présence
dont l'absence creuse le pourtour jour après jour.

Mon Cousin,
je vous prénomme ainsi,
de ce nom évoquant notre lien de sang.
Ce sang de notre généalogie 
au cœur de l'arbre dont nous sommes issus.

Mon Cousin, 
comme est tendre cette appellation  
dans ma bouche enfantine, 
celle de nos premiers jeux.

Jouons encore vous et moi si vous le voulez...

Mais où êtes-vous donc?
Vous cachez-vous?

Dans la forêt imprenable de vos songes,
au ruisseau clair de vos insouciances?

Silence,
comme un grand voile tendu sur les murs.
Silence,
comme le mouvement de la petite aiguille
de ma montre-bracelet.
Silence,
et si l'attente devenait assourdissante,
gonflée du sang de mes tempes,
ou clapotement des eaux  à la limite de ma chair transie,
lancinante visiteuse aux mains bleuies de pluie,
grincheuse descente à la tombée de Minuit,
épouvante de la perte d'un autre jour sans vous!

Mais où que vous soyez je vous entends.
Vos mots, vos paroles montent en moi,
douces vaguelettes léchant mes pieds,
enlaçant mes chevilles, caressant mes genoux,
découvrant mes cuisses(impudique je suis)
prenant mon ventre, agrippant mes seins,
serrant mon cou,
mon Cousin vous me faites mal!
Mordant ma langue...
Je me noie alors dans cette chevelure
qui se répand sur nos draps, sous le lit,
dans toute la chambre aux murs tendus
de voile, d'absence, de silence...

Je vous écrirai du fond des mers,
de mon sang de Méduse!

Votre Anne

Cygne blanc

mercredi 4 décembre 2019

Comme résonne la vie


Tu entends soudain
La pulsation du monde,
Déjà tu touches sa beauté inattendue.
Dans ta bouche fondent les nuages
des ans de lutte et de nuées noires
Où tu cherchais le passage
Vers l'autre saison,

Et comme résonne étrangement l'aube,
À l'horizon , enfin résonne la vie.

Hélène Dorion

mardi 3 décembre 2019

Attendre l'inattendu


Sans doute l'avez-vous remarqué : notre attente - d'un amour, d'un printemps, d'un repos - est toujours comblée par surprise. Comme si ce que nous espérions était toujours inespéré. Comme si la vraie formule d'attendre était celle-ci : ne rien prévoir, sinon l'imprévisible. Ne rien attendre, sinon l'inattendu.

Christian Bobin

lundi 2 décembre 2019

Cage d'oiseau


Cage d'oiseau
Hector de Saint-Denys Garneau
Je suis une cage d’oiseau
Une cage d’os
Avec un oiseau

L’oiseau dans ma cage d’os
C’est la mort qui fait son nid

Lorsque rien n’arrive
On entend froisser ses ailes

Et quand on a ri beaucoup
Si l’on cesse tout à coup
On l’entend qui roucoule
Au fond
Comme un grelot

C’est un oiseau tenu captif
La mort dans ma cage d’os

Voudrait-il pas s’envoler 
Est-ce vous qui le retiendrez
Est-ce moi
Qu’est-ce que c’est

Il ne pourra s’en aller
Qu’après avoir tout mangé
Mon cœur
La source de sang
Avec la vie dedans

Il aura mon âme au bec

Hector de Saint-Denys Garneau

dimanche 1 décembre 2019

Éveil au seuil d’une fontaine


Ô ! spacieux loisir
Fontaine intacte 
Devant moi déroulée
À l’heure
Où quittant du sommeil
La pénétrante nuit
Dense forêt
Des songes inattendus
Je reprends mes yeux ouverts et lucides
Mes actes coutumiers et sans surprises
Premiers reflets en l’eau vierge du matin.

La nuit a tout effacé mes anciennes traces,
Sur l’eau égale 
S’étend 
La surface plane
À perte de vue.
D’une eau inconnue.
Et je sens dans mes doigts
À la racine de mon poignet 
Dans tout le bras 
Jusqu’à l’attache de l’épaule 
Sourdre un geste 
Qui se crée
Et dont j’ignore encore
L’enchantement profond.

Anne Hébert