lundi 3 juin 2019

Percussion du silence

"La mer nourrit le secret torride du désert et de la roche’’
Yves Préfontaine, Les Épousailles (1958)



Bras du fleuve détaché de nos origines dormantes,
Flambeau de nerfs et d’attentes rompus
Révélant dans les strates de la nuit,
De l’Isle Verte à Percé,
La présence étranglée de trop lointaines vigies
Signalant la densité des divinités oubliées
Aux haleines durcies  de la pierre meule du temps,
Aux ongles crispés des schistes.

Schistes, édredons de pierres et d’eau 
Concédant parfois à l’index d’un enfant
Les vocables effrités de magies trop éculées
Pour raviver les mains noyées de l’écume
Qui nous tendent leurs amours et nos silences,
Qui nous prennent nos amours et leurs silences
Sous le ciel en cendres
De ce grand pays boréal
Éviscéré dans le sillage androgyne
Des escargots cuivrés et cuirassés des pôles. 

En ce pays d’inquiétants bardo
Les austères épinettes noires 
Multiplient leurs chairs fongiques
Dans l’humus et les lichens recommencés
Barbes d’avatars qui tardent
À délivrer les secrets minéralisés
Des colliers géologiques des cœurs captifs.

Septentrion tant et tant de pierres compactées
Ruminent l’oubli de la fraîcheur des premières prières
Dans les floraisons cristallines des pèlerins et des poètes,
Chantres de l’impassible visage
De ce pays toujours à réensemencer
Du sel de nos ossements
Qui perçoivent la caresse de fer du fleuve
Contre les pierres fatiguées de l’impossible rivage.

Penser ce pays et voir toutes les paroles retenues
Des origines et des fins dernières
Dans la gorge de l’estuaire
Hurlant muet à tous les continents
Qu’il n’est pas d’éternité,
D’infini et de magie
Sans enfance
Et qu’un pays est toujours un peu 
La camisole de force
Du rêve fou des empires en devenir
Et que cette voix nue de Terre Québec
Est par-delà les rivages
Métamorphose des saisons, 
Des forêts, des lacs, des rivières
Et des peuples complices qui l’habitent.

Lug Lavallée

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