mardi 25 août 2020

Sixties

Syracuse 1968

J’avais dix ans

Encore tout mon temps

Bob Dylan, Eight miles High

Hurdy Gurdy Man, 

Cheveux aux vents

Quelques ruptures d’horizon

À l’occasion.

Robert Kennedy venait de mourir

Comme un trop lointain bruit de verre brisé 

Dans le ciel encore trop parfait de l’Amérique.

Michel Legrand lui dédia Celui-là.

L’Empire perdait du sang.

Les géants ne s’écroulent jamais en une seule nuit

Des décennies, des siècles parfois.

L’azur se teintait de roses froides.


J’avais dix ans 

L’été de ma première blonde

Tellement blonde celle-là

Que j’en oubliais les Black Panthers

Et le soleil qui cognait à ma fenêtre.

Elle vendait des frites

Mais mon cœur battait tellement fort pour elle

Que je n’entendais que lui,

Tellement qu’il enterrait

Le rythme des tambours des Indiens d’Amérique

Celui des vaudouisants dans les ghettos noirs,

Le vol agaçant des mouches,

La rage folle des marteaux-piqueurs,

Et les gargarismes des corvettes et des Harley Davidson.

Je n’entendais que lui pour ses yeux à elle

Et ses cheveux d’elfe.


Le temps de son absence me brisait les tempes

Mais j’avais appris l’art de réduire les distances

En la faisant apparaître chaque fois au bout de mes pensées

Mais que les ruelles et les rues avaient les jambes longues.


Qu’est-elle devenue ma vendeuse de frites?

Une agente d’immeuble ? 

Une chirurgienne dentiste ?

Une poseuse d’ongles ?

Une pianiste ?

Lay Lady Lay me tourne toujours dans la tête

Et il me semble parfois que dans la logique 

Des rendez-vous ratés et des avenues vierges

Hier est demain à deux mains!


Lug

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