Syracuse 1968
J’avais dix ans
Encore tout mon temps
Bob Dylan, Eight miles High
Hurdy Gurdy Man,
Cheveux aux vents
Quelques ruptures d’horizon
À l’occasion.
Robert Kennedy venait de mourir
Comme un trop lointain bruit de verre brisé
Dans le ciel encore trop parfait de l’Amérique.
Michel Legrand lui dédia Celui-là.
L’Empire perdait du sang.
Les géants ne s’écroulent jamais en une seule nuit
Des décennies, des siècles parfois.
L’azur se teintait de roses froides.
J’avais dix ans
L’été de ma première blonde
Tellement blonde celle-là
Que j’en oubliais les Black Panthers
Et le soleil qui cognait à ma fenêtre.
Elle vendait des frites
Mais mon cœur battait tellement fort pour elle
Que je n’entendais que lui,
Tellement qu’il enterrait
Le rythme des tambours des Indiens d’Amérique
Celui des vaudouisants dans les ghettos noirs,
Le vol agaçant des mouches,
La rage folle des marteaux-piqueurs,
Et les gargarismes des corvettes et des Harley Davidson.
Je n’entendais que lui pour ses yeux à elle
Et ses cheveux d’elfe.
Le temps de son absence me brisait les tempes
Mais j’avais appris l’art de réduire les distances
En la faisant apparaître chaque fois au bout de mes pensées
Mais que les ruelles et les rues avaient les jambes longues.
Qu’est-elle devenue ma vendeuse de frites?
Une agente d’immeuble ?
Une chirurgienne dentiste ?
Une poseuse d’ongles ?
Une pianiste ?
Lay Lady Lay me tourne toujours dans la tête
Et il me semble parfois que dans la logique
Des rendez-vous ratés et des avenues vierges
Hier est demain à deux mains!
Lug
Aucun commentaire:
Publier un commentaire