J'ai toujours aimé le désert. On s'assoit sur une dune de sable. On ne voit rien. On n'entend rien. Et cependant quelque chose rayonne en silence.
Antoine de Saint-Exupéry
Antoine de Saint-Exupéry
Puis le rouge de tes lèvres dans l’aube du désir
Le monde recommence émergeant de l’immonde
Aux fraises les premiers visages
Aux pommes leurs ivoires sanguinaires
Aux cerises leurs urgences nocturnes
Le rouge qu’il ne faut pas verser
Seuls les cardinaux peuvent nous picorer le cœur
Sans jamais rien nous enlever
Revêtant nos rêves avec les soieries des roses
L’orangeraie nous réveille
Et au marché des maroquineries
Les mirages vont de peaux en peaux
Pour trouver de l’eau
Sous des soleils qui nous cuivrent
Dans les bois, les parterres et les sentiers
Érythrones, pissenlits, tussilages
Chantent le printemps
Rivalisent avec le soleil borgne
Lui font monter la moutarde des champs au nez
Et il éternue son pollen dans les verdures
Puis dans leur gaine brune les bourgeons
Dégainent dans chaque arbre des vers nouveaux
Les triomphants dénis des nuits d’encre et des hivers blancs
Les étés aux yeux de serpents
Mais à l’envers dans les reflets des arbres dans les lacs
Les algues vertes rêvent du bleu infini du ciel
C’est l’heure de naviguer
De connaître les couleurs de tous les ports
Avant d’être avalé par l’océan
Le grand Léviathan
Et de descendre jusqu’au cœur violet et mystique de la Stella Maris
Précédant le grand tunnel blanc.
Lug
Khalil Gibran
La folie nous arrive comme ça
Par un coup de vent trop fébrile du printemps
Et pollinise des idées de grandeur
Dans des recoins d’étroitesse d’esprit
Qui vont telles des monarques
Butiner dans des chambres à découcher dehors
Avec des sirènes ou des pompiers du troisième type
La folie qui s’éclaire aux soleils des mouches à feu
Quitte la raison comme on laisse la maison des éternels retours
Franchit zébrée le seuil de la prison des invertébrés de la liberté
Et s’aventure en diagonale sur l’échiquier de la vie
Convaincue de la souveraineté de la marge
Où jamais elle ne plantera le mât de l’échec
La folie a des poumons de nimbus et de cumulus
Et des bras qui pendent aux trônes des forêts
Et des mains d’ailes d’hirondelles
Incapables de dérober la beauté du monde
Mais quand elle prend ses jambes à son cou
Elle change de polices et de caractère
Et défie le langage de l’immobiliser
Et elle saute de clôture en faim du monde
Avec ses brebis assoiffées de Voie lactée
La folie est une aquarelliste des grands espaces
Qui n’a pas besoin de pins sots et de cils de chevaux
Elle confond le proche et le lointain
Qui en perdent leurs repères de fauves affamés
Et craignent que la savane de leurs certitudes
Soit avalée par la forêt des inquiétantes étrangetés
Au bout de sa solitude la folie finit par perdre sa raison d’être
Et retourne au bercail des inquisitions
Où elle reçoit son jugement
Et son second baptême
Après la crucifixion de ses vertiges
Et là enfin folle, elle assiste au triomphe de la raison
D’une raison qui tue les fous comme elle déracine les arbres des oiseaux
En son rêve de carré de sable stérile et martial.
Lug
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A noter la parution de "L'Aube métisse", recueil de poèmes de Lug qui nous fait l'honneur de bien souvent alimenter ce blogue :