Plus d'une mort

L’Amour, où est-il donc ?
Là-bas, ici, que sais-je ?
Libre, où il lui plaît, sans entrave.
Quiconque aspire à un amour vrai et pur
Passe par plus d’une mort.

Hadewijch d’Anvers

De l'autre côté du regard

Tout l'univers est resté de l'autre côté du regard
La fenêtre traversée
la pupille s'oublie
éclats et brisures
nous sommes entrés dans la matière
dans le vif-argent du sujet
dans l'histoire
Nous avons goûtés enfin aux choses et aux visages.

Marie Uguay

Déguisé en rivière

J'ai décidé de ne plus rien décider
d'assumer le masque de l'eau,
de finir ma vie déguisé en rivière,
en tourbillon, de rejoindre à la nuit
le flot ample et doux, d'absorber le ciel,
d'avaler la chaleur et le froid, la lune
et les étoiles, de m'avaler moi-même
en un flot incessant

Jim Harrison

L’éphémère s’accumule

Tout est rien dans la précarité du jour
l’éphémère s’accumule
depuis longtemps
puisque l’amour demeure
un peu de ce monde
qui m’échappe.

Pierre DesRuisseaux

En vous la présence

 

Illuminées dans votre paix infinie,

un milliard d'étoiles vont tourner à travers la nuit,

flamboyant au-dessus de votre tête.

Mais en vous est la présence

qui sera, lorsque toutes les étoiles seront mortes.

~Rainer Maria Rilke

Oeil du coeur

J'ai vu mon Seigneur avec l’œil de mon cœur,
J'ai dit, 'Qui es-tu?', il m'a répondu 'Toi'.

Hussein Ibn Mansur Al-Hallaj

Procès

Vous avez    fait mon procès
Vous avez    détaché  une à une
                les lanières
             de mon corset
                              de chair

Vous avez   déterré
la faille    où je suis
                             tapie

Viendrez-vous?

il reste    quelques  
                 os

               Au travail!

Cygne blanc

Une seule raison d'écrire

Vous me demandez pourquoi
Je passe ma vie à écrire ?
Si j’y trouve du plaisir ?
Si ça en vaut la peine ?
Et, par-dessus tout si c’est payant ?
Sinon, quelle peut en être la raison?
J’écris pour une seule raison,
Il y a en moi une voix
Qui refuse de se laisser réduire au silence.

Sylvia Plath

Sans paroles

Nous sommes le Principe éternel et non ce que nous semblons être. Celui qui connaît la semence de ce monde réalise que c'est une illusion et il s'assied en silence, il ne le trompette pas. Après avoir compris que tout cela est illusion, on reste sans paroles.

Sri Nisargadatta

Passage

J'ai tracé seul
chaque passage
mais après le songe
mais dans un miroir
aussi grand que des ailes.

Pierre DesRuisseaux

Mars

Eau de mars
aux racines des arbres
caresses

Sève de mars
suc suave
vos lèvres

Rouge mars
semences lunaires
pour une terre verte 

Cygne blanc

Ombre de printemps

Matin de printemps -
Mon ombre aussi
Déborde de vie !

Issa

Le lieu où nous vivons

Le lieu où nous vivons n'est pas celui où nous passons nos jours mais où nous espérons — sans rien connaître de ce que nous espérons, celui où nous chantons — sans comprendre ce qui nous fait chanter.

Christian Bobin

Le baiser du jour

Tu éclatais de rire à travers ma tête

sur ma langue le baiser du jour

ton regard avançait lumineux

comme un collier de perles

dans la neige de janvier

la tendresse tombait de ta peau

moi je me perdais dans la nuit

encerclé par chaque souvenir sur nos corps

je soulevais l'angle mort des mots

j'aimais ta voix s'échapper.

Pierre DesRuisseaux

Avancer

Avancer
sans voiles sans écrans
sans fard sans masques
sans tabous sans fétiches
avancer
comme si c'était
la première plage du monde
avancer
nu
vers toi qui t'avances

Gaston Miron

Inconnu

Je ne suis pas celui que je croyais être jusqu'à maintenant, je ne suis pas celui que j'appelle être moi, je ne suis ni mes projets, ni l'image que les autres et moi-même ont de moi, je suis un inconnu et je me cherche.

C.G Jung

Bonne mesure

Ne jamais oublier d'aimer exagérément : c'est la seule bonne mesure.

Christiane Singer

Ma tête

Ma tête 

sur le billot

pin rouge

Ma tête

dans l'oreiller

sang plume

Sur ton épaule

coagula

not'blues 

Cygne blanc

Voie incomparable

Agis comme tu l'entends.
Sois comme tu sens.
Voilà la voie incomparable.

Maitre Zen anonyme

La jeune fille de Budapest

Dans la brume tiède d'une haleine de jeune fille,

    j'ai pris place.

Je me suis retiré, je n'ai pas quitté ma place.

Ses bras ne pèsent rien. On les rencontre comme

   l'eau.

Ce qui est fané disparaît devant elle. Il ne reste que

   ses yeux.

Longues belles herbes, longues belles fleurs croissaient

   dans notre champ.

Obstacle si léger sur ma poitrine, comme tu t'appuies

   maintenant.

Tu t'appuies tellement, maintenant que tu n'es plus.

 

Henri Michaux

Je m'appelle personne

Naissance erratique, narrative douleur,
par le tout d'une logique de l'écart fou
qui me fait un sort dans l'espace dépaysé
de sorte qu'il n'est pas de répit de moi
homme du modernaire, à rebours de disparaître,
dans une histoire en laisse de son retard.

Gaston Miron

Sans savoir pourquoi

Sans savoir pourquoi
J'aime ce monde
Où nous venons pour mourir.

Natsume Sôseki

Arracher la joie

Il nous faut arracher la joie aux jours qui filent.

Vladimir Maïakovski

Ton sourire

Mars 

morcellement des glaces

ton sourire

      

Cygne blanc

Éclair de l'encre

La vie comme elle va, oisive, éternelle. Des secondes d'oisiveté pour une seconde d'or pur, d'écriture. La durée se précipite dans l'éclair de l'encre. Accepter cette perte de temps, sans prétendre la modifier, la remplir.

Christian Bobin

Perle brillante

L'univers tout entier n'est qu'une perle brillante
Elle habite la caverne du démon de la montagne noire

Gensha Shibi

Tout vivre

Je voudrais voler comme un oiseau
Traverser le continent
Explorer le territoire de l'Amérique
Caresser du regard les chaînes de montagnes
Suivre le tracé sinueux des grandes rivières
Pénétrer dans les cavernes
Découvrir les sources souterraines
Voyager dans le monde des morts
Parler aux âmes
Faire danser les grands-pères
Sourire les grands-mères
Je voudrais tout vivre, tout voir
Les villes au travail le matin comme le soir
Les bureaux, les usines, les commerces
Les chantiers
Les corridors d'hôpitaux
Je veux saisir la rêverie du philosophe
celle du poète
La pensée du flâneur
Et les délires des mendiants
Je voudrais frôler le mystère de chaque porte
De chaque fenêtre
À chaque coin de rue, dans chaque bout de ruelle
Je voudrais communier avec l'humain terrestre
Et en faire un bouquet d'automne

Nita

Remuement

Frimas de mars
Elle remue dans son sommeil
La marmotte qui rêve de printemps

Ni pour ni contre

« Ni amour ni haine » ou
« Ni bien ni mal » ou encore
« Ne prenez partie ni pour ni contre. »

Kaisen