jeudi 30 avril 2015

Axiome poétique


Ce qui ne peut danser au bord des lèvres s'en va hurler au fond de l'âme.

Christian Bobin, L'autre visage

mercredi 29 avril 2015

Le soleil n'a jamais dit

Même
Après
Tout ce temps,
Le soleil n'a jamais dit à la terre,

"Tu me dois."

Regarde
Ce qui se passe
Avec un amour comme celui-ci
Il éclaire
Tout
Le ciel
Hafiz, the Gift, translated by Daniel Ladinsky

mardi 28 avril 2015

De la douleur à la douceur


De la douleur à la douceur, il y a un trait de plume qui dessine une frontière imperceptible entre la jour et la nuit, l'ailleurs et l'ici; c'est une équation crépusculaire où le cœur se perd.

De la douleur à la douceur, il y a le goût salé des larmes dans lequel on retrouve l'océan et avec lui, quand le sommeil vient enfin, reviennent aussi le vent et les embruns, le frêle esquif du rêve et l'horizon ouvert.

De la douleur à la douceur, il y a ton nom que je murmure parfois en tendant la main dans le noir, avant de m'éveiller tout à fait en tombant dans un vide caressant, soudain violent.

De la douleur à la douceur, il y a la blancheur du matin derrière les volets, et la montagne au loin qui commence à luire tandis que les arbres échangent des saluts odorants pour accueillir le nouveau jour qui point, insolent.

lundi 27 avril 2015

Danse !

Danse !
Frappe des mains !
Fais surgir la mélodie
Fais éclater le présent !
Découvre les miracles de l’aube
Fracturant la noirceur de la nuit.
Fais danser les lettres,
Les voyelles amoureuses
De lointaines consonnes.
Fais danser les mots pour qu’ils
Deviennent des oiseaux.
Écris les chants joyeux de la guérison,
Le chant précieux de la délivrance.
Ainsi tu te souviendras de ton futur.
 
Rabbi Nahman de Braslav

dimanche 26 avril 2015

Entrez en vous-même

Entrez en vous-même, sondez les profondeurs où votre vie prend sa source... Vous ne pourriez troubler plus visiblement votre évolution qu'en dirigeant votre regard au dehors, qu'en attendant du dehors des réponses que seul votre sentiment le plus intime, à l'heure la plus silencieuse saura peut-être vous donner... Votre vie lui devra en tout cas des chemins à elle. 
Rainer Maria Rilke, Lettres à un jeune poète

samedi 25 avril 2015

Rareté de la joie


La joie est la matière la plus rare dans ce monde.

Christian Bobin, La plus que vive

vendredi 24 avril 2015

Le vide du cœur

Quand le moineau construit son nid dans la forêt, il n'occupe qu'une branche. Quand le cerf étanche sa soif à la rivière, il ne boit pas plus que son estomac ne peut contenir. Nous accumulons les choses parce que nos cœurs sont vides !
Anthony de Mello

Ma solitude

Je ne peux la fuir
Elle m'a ligotée
Dans ses draps de grisaille 

Je ne peux la crier
Elle m'a bâillonnée
Jusque dans mes entrailles

Je ne peux que pleurer
Dans mes oreillers de paille...

Amère Solitude,

Ton heure n'est point la mienne
"Garderez-vous parmi vos souvenirs
Ce rendez-vous où je n'ai pu venir?"

Ta peur de chienne errante
Guide mes pas jusqu'à la mort 
"Rappelle-toi Barbara,
Des nuages qui crèvent comme des chiens..."

Sœur de misère, qu'à cela ne tienne
Je te renierai jusqu'au dénie!

Mer de Solitude

Je te bois jusqu'à la lie
Absinthe d'une nuit

Au matin tu me vomis
Présence inassouvie

De mégots en mégots
De cendre en cendre
Je m'éteins
A l'ombre de ton cachot

Écho de sirène au loin

Chair Solitude

Ogresse solitaire
Tu me dévores toute entière

Tu t'agrippes à mes tripes
Ce sera ta défaite

D'un geste martial
Je libère la Bête
Combat fœtale 

HARA KIRI
J'ose
La Lumière jaillit
Au  bout de l'Enfer-mement
La Sortie
La Source de miel
Ou je baigne mon enfant
Rose

Chère Solitude

Je te chante
Sept milliards de Voix s'élèvent
Je te danse
Tchaïkovski signe mon Pas
Je te caresse
Tu m'offres un Orgasme de Déesse

Multiple je suis 

A mon doigt

Un Solitaire
Cygne blanc

jeudi 23 avril 2015

Ce ciel

Ce
Ciel
Où nous vivons
N'est pas un endroit où perdre tes ailes
Alors aime, aime,
Aime.
Hafiz, the Gift, translated by Daniel Ladinsky

mercredi 22 avril 2015

Prière pour les migrants

A la télé italienne Diretta 7, l'écrivain Erri de Luca a récité lundi soir une prière laïque pour les migrants noyés en mer Méditerranée ces derniers jours. En voici la traduction trouvée ici :

Notre mer, toi qui n'es pas aux cieux
Et qui embrasses les rives de l'île
Et du monde, avec ton sel, 
Que soit béni le fond de ton océan
Tu accueilles les navires bondés
Sans route sur tes ondes
Les marins pêcheurs sortis dans la nuit
Leurs filets parmi tes créatures
Qui reviennent au matin avec pour prise
Des naufragés sauvés.

Notre mer qui n'est pas aux cieux
A l'aube tu as la couleur du blé
Au coucher du soleil, celle du raisin et des vendanges
Nous t'avons semée de noyés plus 
Que n'importe quelle époque de tempête.

Notre mer qui n'est pas aux cieux
Tu es plus droite que la terre ferme
Même quand tu soulèves des vagues hautes comme des murs
Puis les jettes au tapis.
Protège les vies, les voyageurs,
Comme des feuilles sur un boulevard, 
Deviens pour eux un automne,
De caresses, d'embrassades, un baiser sur le front, 
Aux mères, aux pères, avant de partir.

La terre est bleue


La terre est bleue comme une orange
Jamais une erreur les mots ne mentent pas
Ils ne vous donnent plus à chanter
Au tour des baisers de s’entendre
Les fous et les amours
Elle sa bouche d’alliance
Tous les secrets tous les sourires
Et quels vêtements d’indulgence
À la croire toute nue.


Les guêpes fleurissent vert
L’aube se passe autour du cou
Un collier de fenêtres
Des ailes couvrent les feuilles
Tu as toutes les joies solaires
Tout le soleil sur la terre
Sur les chemins de ta beauté.

Paul Éluard, L’amour la poésie, 1929

mardi 21 avril 2015

Se perd-t-on pour toujours ?

Si tout ce qui vit
revient à sa source,
comment ce retour
sera possible
pour l'oiseau
privé d'ailes,
l'arbre sans racines
l'homme sans mémoire,
la terre sans lumière ?

Se perd-t-on pour toujours ?


François Dureux


J'ai découvert la poésie de François Dureux par un de ces souriant hasard dont Google a le secret. Un coup de cœur devant ces mots qui définissent tout un "programme" auquel je souscris entièrement :

jour après jour, semaine après semaine, chanter l'espace ouvert
 
Je vous suggère de visiter ses blogues :
 

lundi 20 avril 2015

La rose à l'aurore


De même qu'à l'aurore la rose
parmi les épines et la rosée surgit,
ainsi l'âme aimante à travers toutes peines,
confiante, subira les orages.
Librement, sans douter
en ses tumultes, elle grandira.
Hadewijch d'Anvers

dimanche 19 avril 2015

Enfant prodigue

L'enfant prodigue, s'il revient, ce n'est pas pour demander l'asile d'un pardon. S'il entre dans la maison, c'est avec, à ses bras, la folie d'une lumière conquise à mains nues dans l'ardeur d'une mort.
Christian Bobin

vendredi 17 avril 2015

Les herbes folles


Doucement, autour de moi,
La paix, la joie et le savoir s'élèvent
Et me transmettent tout l'art
Et toute l'argumentation de la terre,
Et je sais que la main de Dieu
Est la sœur aînée de la mienne,
Et je sais que l'esprit de Dieu,
Est le frère du mien,
Et que tous les hommes, de toutes les époques
Sont aussi mes frères...
Et l'amour mes sœurs, mes amantes,
Et que l'amour est la nef de la création;
Et les feuilles mortes
Qui s'étiolent dans les près
N'ont pas de limites.
Comme les fourmis brunes
Dans les petits interstices
Qui les séparent,
Et les croûtes de mousse sur la clôture,
Et les pierres amassées,
Et les sureaux, les aromates,
Et les herbes folles.
Walt Whitman

jeudi 16 avril 2015

Émotion mystique


L'émotion la plus belle et la plus profonde que nous puissions vivre est celle du sentiment mystique. Elle est la semence de toute science véritable. Celui qui n'a jamais connu cette émotion, qui ne peut plus s'émerveiller et s'extasier, est comme mort.

Savoir que ce que nous ne saurions pénétrer existe réellement, et se manifeste comme la sagesse la plus haute et la beauté la plus radieuse, dont nos pauvres aptitudes ne peuvent saisir ce que les formes élémentaires, ce savoir, ce sentiment, sont au cœur même de la vraie dévotion.
Albert Einstein

mercredi 15 avril 2015

Exploration essentielle


Et donc, pour la première fois de ma vie peut-être, j'ai pris ma lampe, laissant la frange des occupations quotidiennes et des relations où tout est évident, je suis descendu dans mon moi le plus intérieur, dans les abysses les plus profondes d'où je sentais confusément que mon pouvoir d'action émanait. Mais à mesure que je m'éloignais des certitudes conventionnelles qui font que la vie est superficiellement éclairée, je devenais conscient que je perdais contact avec moi-même. À chaque pas de la descente, une nouvelle personne se révélait en moi dont je n'étais plus sûr du nom, et qui ne m'obéissait plus. Et quand je dus arrêter mon exploration parce que le chemin disparaissait devant mes pas, je trouvai un abîme sans nom à mes pieds, et de lui vint - émergeant de je ne sais où - le courant que j'avais osé appeler MA vie.

Teilhard de Chardin

mardi 14 avril 2015

À la poursuite des gazelles


On dit que le roi Salomon, un jour qu'il était las des prestiges du monde, s'en alla méditer sans femme ni guerrier dans le vaste désert. Or, comme il cheminait à longs pas dans le sable, le front penché, l'esprit paisible,au bout de sa sandale il vit une fourmi. Elle marchait comme lui, elle aussi indifférente à tout, têtue comme au labour, refusant l'abri des cailloux, la halte au frais des herbes rares. Il lui dit:
- Où vas-tu donc, petite sœur ?
Elle lui répondit:
- Grand roi, ne me retarde pas. Je cours où mon âme m'appelle, à la poursuite des gazelles.
- Amie, lui demanda le roi, connais-tu ces bêtes divines ?
- Hélas non, répondit la bestiole pressée, mais j'ai vu leurs ombres passer, et j'en fus tant bouleversée que je ne peux vivre sans elles.
Le roi des rois s'agenouilla, la prit sur le bout de son doigt, sourit, lui dit enfin :
- Comment peux-tu rêver en rejoindre une ? Elles vont droit comme l’œil à travers le désert, elles franchissent d'un bond la dune que tu escalades en cent jours.
- Je sais, ô roi des rois, que la raison t'inspire, répondit la fourmi. Mon pas est court, ma vie n'est qu'un jour de la tienne, mon ciel n'est pas plus haut qu'un brin d'herbe naissant. Je ne suis rien, j'aspire à la grâce parfaite, j'avoue que c'est grande folie. Mais qu'importe à mon cœur aimant ? L'espoir me tient, me tire et me pousse, ne me laisse point en repos. Il occupe toute ma vie. Je veux lui obéir sans faute et la mort ne sera rien si elle me prend sur mon chemin, à la poursuite des gazelles.
Henri Gougaud, Paramour

lundi 13 avril 2015

Génie


L'homme a du génie quand il rêve.
Akiro Kurosawa

L'Envolée

De mes mains
Partent des oiseaux
Caresses d'Elle
Au souffle du Rêveur

Du bout de mes doigts
L'emprunte de leurs cœurs
Effleure ta peau
Tendresse d'Elle
Au corps du Dormeur

Dans mes paumes
Leurs gorges chaudes
Ivresse pour Elle
Répondent
Au cri de l'Éveilleur

Dans mes mains
Bain d'oiseaux
Tu reviens
De là-Haut
 
Cygne blanc

samedi 11 avril 2015

Lorsque vient la nuit


Lorsque vient la nuit et que toi aussi tu es sombre,
Étends-toi et décide d'être sombre.
Lorsque vient le matin et que tu es toujours sombre,
Lève-toi et décide de dire au jour :
"Je suis toujours sombre".
Il est stupide de jouer un rôle avec le jour et la nuit.
Tous deux riraient de toi.
Khalil Gibran

vendredi 10 avril 2015

Laisse l’amoureux


Laisse l’amoureux être fou et sans grâce, distrait.

L’autre, trop sérieux se perdra de soucis.

Laisse l’amoureux

être.

Rûmi

mercredi 8 avril 2015

Abondance de rien

Il y a besoin de si peu, pour écrire. Il n'y a besoin que d'une vie pauvre, si pauvre que personne n'en veut et qu'elle trouve asile en dieu, ou dans les choses. Une abondance de rien. Une vie à l'inverse de celles qui sont perdues dans leur propre rumeur, pleines de bruits et de portes.
Christian Bobin

mardi 7 avril 2015

A mon ami l'Écrivain

J'habite mon livre
Mon livre m'habite

Il me lit à demi-mots
Me délie de mes maux

Sur la plage du jour
L'encrier est déposé
Mes doigts en plongée
Trace la tache bleutée

Impression, mémoire
De mon corps liquéfié
Où baigne le vaisseau de mon âme

Sur la page du jour
Ma vie s'ancre
De bleu, de blanc, de pourpre
Parfois de noir...

J'abrite mon livre
Mon livre m'abrite

Je suis l'homme à la page
Celle qui se lie de toi à moi

Sous la couverture
Écrire! Quelle aventure!!

Cygne blanc

lundi 6 avril 2015

Trésor caché

Paix - calligraphie de Lassaâd Métoui
J’étais un Trésor Caché,
J’ai désiré être connu
alors J’ai créé les créatures afin d’être connu à travers elles.


Hadith, cité par Ibn Arabî dans le Traité de l'Amour

dimanche 5 avril 2015

Petite lueur

L'âme
Cette petite lueur
       au cœur du silence flamboie
       au cœur des villes s'efface
Ping Hsin

samedi 4 avril 2015

Juste manière de vivre


Celui qui sera son propre flambeau et son propre recours et ne cherchera pas d'autre secours, celui qui fait de la vérité son flambeau et son recours... celui-là sera mon véritable disciple, qui poursuit la juste manière de vivre.
Dernières paroles du Bouddha

jeudi 2 avril 2015

Conscience du coeur


On décrit souvent l’éveil spirituel comme un voyage au sommet d’une montagne. Nous laissons nos liens et nos attachements aux biens de ce monde derrière, et nous cheminons lentement vers le sommet. Au point culminant, nous avons transcendé toute douleur. Le seul ennui dans cette métaphore c’est que nous laissons tous les autres derrière : notre frère ivrogne, notre sœur schizophrène, nos animaux et nos amis tourmentés. Leur souffrance continue, elle n’est pas soulagée par notre fuite individuelle.

Dans le processus de découverte de la conscience du cœur (bodhichitta), le voyage va vers le bas et non vers le haut. C’est comme si la montagne était dirigée vers le centre de la terre au lieu de toucher le ciel. Au lieu de transcender la souffrance de toutes les créatures, nous nous dirigeons vers la turbulence et le doute. Nous y sautons. Nous y glissons. Nous y allons sur la pointe des pieds. Nous y allons par tous les moyens possibles. Nous explorons la réalité et le caractère imprévisible de l’insécurité et de la douleur en essayant de ne pas les rejeter. Si cela demande plusieurs années, plusieurs vies, nous laissons les choses être comme elles sont. À notre propre rythme, sans précipitation ni agression, nous descendons toujours plus bas. Avec nous se déplacent des millions d’autres, nos compagnons du réveil hors de la peur. Au plus profond nous découvrons l’eau, l’eau de la bodhichitta qui guérit. Tout en bas, là, au cœur des choses, nous découvrons l’amour qui ne mourra pas.
Pema Chödrön

mercredi 1 avril 2015